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Le dernier vol du faucon

Le dernier vol du faucon

Titel: Le dernier vol du faucon
Autoren: Axel Aylwen
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catholique mais bouddhiste de cœur, Phaulkon répugnait malgré tout à engager ce dernier dans une voie aussi délicate. Les jésuites français installés au Siam ne témoignèrent pas de tant de scrupules. Voyant s'échapper leur rêve d'un Siam catholique, ils firent pression sur le général français Desfarges, commandant du fort de Bangkok, afin qu'il exécute par tous les moyens les ordres du roi Louis. Si Naraï n'obéissait pas, le général devrait recourir à la force militaire pour soumettre le pays. Toutefois, malgré la supériorité de son
    armement - les Siamois ne possédaient qu'une poignée de fusils et aucun canon -, Desfarges hésitait encore à engager ses cinq cents soldats contre les vingt mille éléphants de guerre commandés par le redoutable général Petraja.
    Naraï venait d'entamer le vénérable sixième cycle de sa vie. À l'approche de la soixantaine, et de santé chancelante, le roi se préoccupait davantage des problèmes soulevés par sa succession que de la prééminence ou non d'un dieu chrétien. Et parce qu'au Siam les frères et non les fils assuraient la succession du trône, le vieux roi se trouvait confronté à de mélancoliques perspectives : l'aîné de ses deux frères, Chao Fa Apai Tôt, en plus d'être handicapé, était un alcoolique impénitent. Quant au cadet, le séduisant Chao Fa Noi, il passait son temps à courir les jupons et s'était attiré la colère du Seigneur de la Vie en entretenant des relations scandaleuses avec Thepine, l'une de ses concubines préférées. Devant un choix aussi désespérant, le roi opta en dernier recours pour un jeune courtisan sans lien de parenté avec la famille royale : Pra Piya. Mais, dans un pays aussi empreint de traditions, il n'était pas facile, même pour le Seigneur de la Vie, d'outrepasser un protocole en usage depuis si longtemps...
    1
    Avec un rugissement à glacer le sang, le tigre bondit dans la clairière. Il s'arrêta tout aussi soudainement. Ses pattes puissantes labourèrent l'herbe et son grand dos rayé se courba en signe d'alerte. L'animal tourna la tête de tous les côtés, évaluant le danger.
    De part et d'autre de la trouée, de gigantesques arbres à pluie surplombaient des bosquets de palmiers et de bananiers marquant la limite de la jungle. Le long de cette ligne, les spectateurs étaient accroupis dans l'herbe en rangs bien alignés. Devant eux, une demi-douzaine d'éléphants mâles, régulièrement espacés, montaient la garde, portant sur leurs encolures leurs mahouts à la peau sombre.
    Le tigre gronda avec colère et jeta un regard derrière lui vers la sécurité de la jungle épaisse et luxuriante. Mais, poussé par la faim, il reporta son attention sur la proie qui s'offrait à lui. Un jeune buffle terrifié, attaché à un arbrisseau à une cinquantaine de mètres de là, restait cloué sur place, les yeux rivés sur le tueur.
    Le tigre approcha.
    Un lourd silence tomba sur l'assemblée. Tirant nerveusement sur leurs gros cheroots 1 , les hommes contemplaient la scène, fascinés, tandis que le grand fauve se tournait pour les regarder. Aux derniers
    rangs, les femmes, nues jusqu'à la taille, dégageaient de leur bourre des noix de bétel rouge qu elles se mirent à mâchonner avec excitation en serrant plus étroitement leurs enfants contre leurs hanches.
    Malgré la crainte de rater une seule seconde de cette scène fantastique, les spectateurs levaient fréquemment la tête en direction de l'estrade dorée dressée derrière eux. Là, revêtu d'une tunique de soie blanche, un puissant seigneur assistait, lui aussi, au spectacle. C'était le premier farang qu'ils aient jamais vu. Une centaine d'hommes composant sa suite étaient respectueusement accroupis dans l'herbe au-dessous de lui. Dans le ciel, un faucon tournoyait lentement tandis que le chœur lancinant des grillons montait des profondeurs de la jungle.
    Poursuivant sa lente progression, le tigre laissa échapper un feulement sourd. Aussitôt, les éléphants dressèrent leurs trompes et se mirent à barrir nerveusement. Leurs mahouts leur parlèrent à l'oreille pour les apaiser, tout en les retenant de leur aiguillon muni d'un crochet acéré.
    Le tigre bondit alors. Mû par une formidable puissance, il prenait de la vitesse à chaque saut. Le buffle lutta frénétiquement pour se libérer de la corde qui le retenait au tronc de l'arbre tandis qu'un murmure excité courait dans l'assistance. Désespéré, le buffle abaissa
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