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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie
Autoren: Colleen McCullough
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précipitamment que le leur permettait leur dignité. Mon père vint rapidement nous rejoindre en haut de la colline et nous nous dissimulâmes dans les hautes herbes.
    Pendant un certain temps j’observai la scène d’un œil distrait, car je ne m’attendais à rien avant midi. Soudain le jeune Télamon sortit à découvert et courut vers l’endroit où les jeunes filles étaient accroupies, tirant sur leurs chaînes. Mon père marmonna quelques paroles sur l’effronterie des Grecs quand le jeune homme entoura de ses bras les épaules de ma demi-sœur et lui fit poser la tête sur sa poitrine brune et nue. Hésione était une magnifique jeune fille, assez belle pour attirer l’attention de la plupart des hommes, mais quelle folie de s’aventurer auprès d’elle quand le lion pouvait surgir à tout instant ! Télamon avait-il agi avec la permission d’Héraclès ?
    Les mains d’Hésione essayaient désespérément de le retenir ; il inclina la tête pour lui murmurer quelque chose, puis il l’embrassa longuement et passionnément, comme aucun homme n’avait eu la permission de l’embrasser durant sa courte vie. Il essuya ses larmes du revers de la main et retourna en courant, comme si de rien n’était, à l’endroit où Héraclès l’avait posté. Les trois Grecs s’esclaffèrent ; je tremblai de rage. Le sacrifice était sacré ! Pourtant ils osaient rire. Mais quand je regardai Hésione, elle avait perdu toute appréhension et se tenait debout, grande et fière, les yeux brillants.
    Les Grecs furent de joyeuse humeur jusque tard dans la matinée puis, soudain, ils se turent. On n’entendait rien d’autre que le murmure du vent.
    Une main effleura mon épaule. Croyant que c’était le lion, je fis volte-face. Mon cœur battait la chamade. C’était Tissanes, un de mes esclaves. Il se pencha vers moi pour me parler à l’oreille.
    — La princesse Hécube te fait mander, maître. Elle est prête à accoucher et les sages-femmes disent que sa vie ne tient qu’à un fil.
    Pourquoi les femmes doivent-elles toujours choisir le mauvais moment ? Je fis signe à Tissanes de s’asseoir et de se taire et me retournai pour observer le sentier, à l’endroit où il s’enfonce dans un creux après être descendu du haut d’un petit tertre. Les oiseaux avaient cessé de chanter, le vent même était tombé. Je frissonnai.
     
    Le lion, apparu au sommet du tertre, descendit la piste à pas feutrés. C’était l’animal le plus gros que j’aie jamais vu, avec un pelage fauve très clair et une épaisse crinière noire. Sur son flanc droit il portait le trident de Poséidon. À mi-chemin de la pente, alors qu’il s’approchait de l’endroit où se trouvait Héraclès, il s’arrêta, une patte levée, la gueule dressée, la queue fouettant l’air, les narines dilatées. Puis il vit ses victimes pétrifiées de terreur ; la perspective du plaisir qui l’attendait le décida. Queue baissée et bandant ses muscles, il s’avança au pas de course. Une des jeunes filles poussa un cri strident. Ma sœur lui dit quelque chose d’une voix rageuse et elle se tut.
    Héraclès surgit de l’herbe. Le géant couvert d’une peau de lion tenait une massue de la main droite. Le lion s’arrêta et retroussa les babines sur ses crocs jaunis. Héraclès brandit son arme et poussa un rugissement de défi, tandis que le lion se ramassait pour bondir. Héraclès bondit à son tour, évita les griffes acérées et heurta de plein fouet le ventre de l’animal avec une telle force que celui-ci en perdit l’équilibre et s’écroula. Le lion se redressa sur son séant, leva une patte pour assommer l’homme ; la massue s’abattit. Il y eut un craquement épouvantable quand l’arme heurta le crâne ; la patte trembla ; l’homme s’écarta. La massue se leva à nouveau, s’abattit à nouveau ; le bruit du second choc fut moins fort que le premier, car la tête était déjà fracassée. Point de corps à corps ! Le lion gisait sur le sentier, sa crinière noire toute fumante du sang qui ruisselait.
    Tandis que Thésée et Télamon sortaient de leur cachette en dansant, Héraclès tira son coutelas et trancha la gorge de l’animal. Mon père et mes frères se précipitèrent vers les Grecs, suivis à leur insu de mon esclave Tissanes. Je fis demi-tour pour rentrer chez moi ; ma femme, Hécube, était en couches et sa vie était en danger.
    La mort en couches était courante chez les nobles.
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