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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie
Autoren: Colleen McCullough
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Hécube était au seuil de la mort.
    Une sage-femme m’attendait en haut des marches, le visage ruisselant de larmes.
    — Elle est morte ?
    La vieille sorcière édentée grimaça.
    — Non, non ! Je pleure ton père bien-aimé, maître. Tout le monde a appris la nouvelle. La reine est hors de danger et tu as un fils, un beau garçon vigoureux.
    On avait ramené Hécube sur son grand lit où elle était étendue, pâle et épuisée. Elle avait dans le creux de son bras gauche une petite chose emmaillotée. Personne ne lui avait appris la nouvelle et je décidai de ne le faire que lorsqu’elle serait plus forte. Je me penchai pour l’embrasser, puis regardai le bébé dont elle découvrit le visage. Ce quatrième fils qu’elle m’avait donné était calme et détendu. Il était d’une grande beauté, sa peau était lisse et couleur d’ivoire. D’abondantes boucles brunes lui couvraient la tête. Il avait de longs cils noirs, des sourcils bien dessinés au-dessus de ses yeux si sombres qu’on ne pouvait pas dire s’ils étaient marron ou bleus.
    Hécube le chatouilla sous le menton.
    — Comment l’appelleras-tu, mon seigneur ?
    — Pâris, répondis-je aussitôt.
    Elle tressaillit.
    — «  Pâris  » ? « Époux de la mort » ? Ce nom est de bien mauvais augure, mon seigneur. Pourquoi pas Alexandre, comme nous en étions convenus ?
    — Son nom sera Pâris, fis-je en m’éloignant.
    Elle apprendrait bien assez tôt que l’enfant avait été uni à la mort dès le jour de sa naissance. Je la quittai quand elle se fut redressée sur ses oreillers. Le petit être était tout contre ses seins gorgés de lait.
    — Pâris, mon tout petit ! Tu es si beau ! Oh ! les cœurs que tu vas briser ! Toutes les femmes t’aimeront. Pâris, Pâris, Pâris…

2
    Récit de Pélée
     
    Lorsque le calme et l’ordre furent revenus en mon nouveau royaume de Thessalie, lorsque je pus compter sur ceux que je laissai à Iolcos pour administrer mes affaires, je partis pour l’île de Scyros. J’étais las, j’avais besoin de la compagnie d’un ami et nul à Iolcos ne pouvait en cela égaler le roi de Scyros, Lycomède. Il avait eu de la chance : jamais son père ne l’avait banni du royaume, jamais il n’avait eu à se battre avec ardeur et opiniâtreté pour constituer le sien, jamais il n’avait dû guerroyer ensuite pour le défendre. Moi, si. Ses ancêtres avaient régné sur cet îlot rocheux depuis le commencement des temps. Il avait accédé au trône après que son père fut paisiblement mort dans son lit, entouré de ses fils et de ses filles, de ses épouses et de ses concubines. En effet, son père était adepte de l’ancienne religion et il en allait de même pour Lycomède – point de monogamie pour les dirigeants de Scyros.
    Quelle que fût sa religion, Lycomède pouvait s’attendre à une mort tout aussi paisible. Moi, non. Je lui enviais sa tranquille existence, mais en me promenant avec lui dans ses jardins, je m’aperçus qu’il ne profitait guère de nombre des plaisirs de la vie. Royaume et royauté avaient peu d’importance à ses yeux. Certes, il accomplissait sa tâche avec conscience, mais il lui manquait la détermination de garder à tout prix ce qui était sien. Personne, il est vrai, ne l’avait jamais menacé de le dépouiller de ses biens.
    Je savais, moi, ce qu’étaient la perte, la faim, le désespoir. J’aimais mon royaume de Thessalie, conquis avec peine, comme jamais il ne pourrait aimer Scyros. Moi, Pélée, j’étais souverain de Thessalie ! Et je régnais sur les Myrmidons, le peuple de Iolcos, dont les ancêtres étaient des fourmis changées en hommes.
    — Tu penses à la Thessalie, s’exclama Lycomède.
    — Comment pourrait-il en être autrement ?
    — Mon cher Pélée, si tu étais à ma place, tu n’aurais pas trouvé le repos avant de t’être emparé de toutes les îles entre la Crète et Samothrace.
    — Pourtant, ami, je me sens bien fatigué ; je ne suis plus aussi jeune qu’autrefois, soupirai-je en m’adossant à un noisetier.
    Il me regarda de ses yeux bleu pâle, l’air songeur.
    — Cela va de soi, cher Pélée. Mais sais-tu que tu as la réputation de n’avoir pas d’égal en Grèce ?
    Je me redressai et me remis à marcher.
    — Je ne suis ni plus ni moins qu’un homme.
    — Tes dénégations n’y feront rien, Pélée : le corps d’un athlète, l’esprit subtil et rusé, le génie pour mener tes hommes, le
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