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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie
Autoren: Colleen McCullough
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sauf. Ils sont partis vers la porte Scée.
    — Ont-ils quitté notre pays ?
    — Je me suis renseigné en rentrant, altesse. Le gardien de la porte dit avoir aperçu Héraclès au tout début de l’après-midi. Il n’a vu ni Thésée, ni Télamon, ni la princesse Hésione. Tous les Grecs se sont rendus au cap Sigée où se trouvait leur navire.
    — Et les cinq autres jeunes filles ?
    Tissanes baissa à nouveau la tête.
    — Je ne sais pas, altesse. Je n’ai pensé qu’à une seule chose, te rejoindre.
    — Sottises ! Tu t’es caché jusqu’au crépuscule parce que tu avais peur. Va trouver le régisseur de mon père et dis-lui de chercher les jeunes filles. Il faudra aussi ramener les corps de mon père et de mes frères. Raconte au régisseur tout ce que tu m’as raconté et fais exécuter ces ordres en mon nom.
    Héraclès avait seulement demandé deux chevaux. Deux chevaux  ! N’y avait-il point de remède à la cupidité ? La prudence n’aurait-elle point conseillé à Laomédon d’être généreux ? Si seulement Héraclès avait attendu ! Il aurait pu demander justice à la Cour en assemblée plénière. Nous avions tous entendu mon père s’engager envers lui. Héraclès aurait eu son dû. Au lieu de cela la colère et la cupidité l’avaient emporté. J’étais roi de Troie.
    Oubliant Hécube, je descendis dans la grande salle et frappai le gong pour convoquer la Cour.
    Impatients de connaître le résultat de la rencontre avec le lion et inquiets de l’heure tardive, ils arrivèrent rapidement. Il n’était pas encore temps de m’asseoir sur le trône ; je restai debout et scrutai tous ces visages emplis de curiosité, ceux de mes demi-frères, de mes cousins à tous les degrés, de la haute noblesse qui nous était apparentée par le mariage. Mon beau-frère Anténor était présent, le regard vif. Je lui fis signe de s’approcher, puis je frappai de mon bâton de commandement les dalles rouges.
    — Nobles de Troie, le lion de Poséidon est mort, tué par Héraclès, le Grec, annonçai-je.
    Anténor ne cessait de me regarder d’un air interrogateur. C’était un Dardanien, aussi n’aimait-il pas les Troyens, mais c’était le frère d’Hécube et, par amour pour elle, je le supportais.
    — J’ai quitté la chasse à ce moment-là, continuai-je, mais mon esclave est resté. Il vient de rentrer pour m’annoncer que les trois Grecs ont assassiné notre roi et mes quatre frères. On ne peut les poursuivre car leur navire a quitté notre pays depuis trop longtemps. Ils ont enlevé la princesse Hésione.
    Je ne pus continuer tant le vacarme était épouvantable ; je retins mon souffle, réfléchissant à ce que je pouvais leur dire sans risques. Non, il était impossible de mentionner que le roi Laomédon n’avait pas tenu sa promesse ; il était mort et sa mémoire devait être respectée comme celle d’un roi et ne pas être ternie par une fin si pitoyable. Mieux valait dire que les Grecs étaient venus avec le dessein de commettre cette atrocité en représailles contre sa politique qui interdisait le Pont-Euxin aux marchands grecs.
    J’étais roi. Troie et la Troade m’appartenaient. J’étais le gardien de l’Hellespont et du Pont-Euxin.
    Quand je frappai à nouveau le sol avec mon bâton de commandement, le silence se fit immédiatement. Comme tout est différent quand on est roi !
    — Jusqu’au jour de ma mort, dis-je, je vous jure que je n’oublierai pas ce que les Grecs ont fait à Troie. Chaque année, à cette même date, nous prendrons le deuil et les prêtres parcourront la ville en rappelant les crimes commis par les mercenaires grecs. Jamais je ne me lasserai de chercher les moyens susceptibles de faire regretter aux Grecs leur méfait.
    Anténor, je te nomme chancelier. Prépare une proclamation solennelle : désormais aucun navire grec n’aura le droit de franchir l’Hellespont pour entrer dans le Pont-Euxin. On peut trouver du cuivre dans d’autres régions, mais l’étain vient de Scythie. Avec du cuivre et de l’étain on fait le bronze indispensable à la vie d’une nation ! À l’avenir les Grecs devront l’acheter à un prix exorbitant aux nations d’Asie Mineure, qui en auront le monopole. Ce sera le déclin des nations grecques.
    Ils m’acclamèrent. Seul Anténor fronça les sourcils ; il me faudrait le prendre à part et lui dire la vérité. En attendant je lui remis mon bâton et me hâtai de regagner mon palais où
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