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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie
Autoren: Colleen McCullough
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celle que mon manque d’expérience avait fait pouffer de rire et celle qui, après une nuit entre mes bras, n’avait même plus la force de me faire les yeux doux. Je récapitulai ensuite toutes les chasses auxquelles j’avais participé, les bêtes que j’y avais tuées : lions, sangliers, cerfs ; les parties de pêche à la recherche d’orques, de léviathans et de gigantesques serpents de mer, alors que nous ne trouvions jamais que des thons et des loups. Je revécus mes périodes de préparation militaire avec les Myrmidons et les combats que j’avais livrés à leurs côtés. Je fis le compte des navires et des rois qui s’étaient embarqués pour Troie. Je me rappelai le nom de toutes les cités et de tous les villages de Thessalie. Je chantai dans ma tête les odes aux héros. Le temps passa, d’une façon ou d’une autre, mais avec quelle lenteur !
    Le silence se fit plus profond encore. Je devais avoir dormi car je m’éveillai en sursaut, affolé. Ulysse avait posé sa main sur ma bouche. J’avais la tête sur ses genoux. J’écarquillai les yeux jusqu’à ce que je me rappelle pourquoi je ne voyais rien. J’avais senti quelque chose bouger, cela m’avait éveillé et, comme je reprenais mes esprits, le phénomène se reproduisit une légère secousse. Roulant sur le côté, je me redressai, cherchai à tâtons les mains d’Ulysse et les serrai très fort dans les miennes. Il pencha la tête et je pus lui parler à l’oreille.
    — Est-ce qu’ils nous déplacent ?
    — Bien sûr. Je n’ai pas douté un instant qu’ils le feraient. Ils ont gobé l’histoire de Sinon, j’en étais sûr et certain, chuchota-t-il.
    Cet ébranlement soudain mit un terme à l’inertie causée par notre emprisonnement. Nous nous sentions bien mieux, plus gais, tandis que nous avancions cahin-caha. Tout en essayant de calculer notre vitesse, nous nous demandions quand nous atteindrions les murailles. Assurés que le grincement de la machine couvrirait nos voix, nous étions heureux de pouvoir discuter. Le vacarme que faisaient les roues en tournant nous indiquait que nous avancions.
    Il nous fut facile de deviner quand nous atteignîmes la porte Scée. Le mouvement cessa pendant ce qui nous parut une éternité. En silence nous priâmes les dieux pour que les Troyens ne renoncent pas à leur entreprise et qu’ils aillent jusqu’à démolir la voûte au-dessus de la porte, ainsi qu’Ulysse nous l’avait affirmé. Puis, à nouveau, nous avançâmes. Un choc violent, comme si on écrasait quelque chose, nous jeta tous à terre. Nous restâmes allongés, immobiles, face contre le plancher.
    — Les imbéciles ! s’exclama Ulysse d’une voix rageuse. Ils ont mal calculé.
    Quatre nouvelles secousses et nous recommençâmes enfin à avancer. Le plancher s’inclina, Ulysse s’esclaffa.
    — Nous gravissons la colline qui mène à la citadelle, dit-il. Ils nous escortent jusqu’au palais !
    Puis le silence s’abattit de nouveau. La machine avait fait halte dans un épouvantable grincement. Il lui fallut du temps pour s’immobiliser et je me demandai quel était l’endroit précis où nous étions arrêtés. Le parfum de fleurs nous parvint. J’essayai de calculer le temps qu’il leur avait fallu pour haler le cheval jusqu’ici. En vain. Quand on ne voit ni soleil, ni étoiles, ni lune, on ne peut mesurer le temps. Ulysse et moi nous trouvions tout près de la trappe, tandis que Diomède avait été posté à l’autre extrémité pour maintenir l’ordre (nous avions reçu la consigne d’abattre aussitôt quiconque serait pris de panique) et je ne le regrettais pas. Ulysse, tel un roc, était inébranlable. Sa proximité m’apaisait.
    Quand je pensais à mon père, le temps passait vite. Je me revoyais enfant, lui était alors un géant qui me dominait de toute sa hauteur, un dieu et un héros pour le petit garçon que j’étais. Il était si beau. Si étrange avec sa bouche sans lèvres. Je porte encore une cicatrice à l’endroit où j’avais essayé de me couper la lèvre pour lui ressembler davantage. Grand-père Pélée m’avait surpris et donné une bonne correction parce que j’avais commis un sacrilège. « On ne peut être quelqu’un d’autre, me dit-il. On est soi-même. Avec ou sans lèvres. » Comme j’avais prié pour que la guerre de Troie durât assez longtemps pour me permettre d’y participer et de combattre à ses côtés ! Dès que j’eus quatorze ans, je me
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