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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie
Autoren: Colleen McCullough
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Détruis-le ! Brûle-le ! Tu dois absolument t’en débarrasser !
    Poussant ses deux fils devant lui, Laocoon courut à l’autel de Zeus, bien plus vite que ne pouvaient le faire mes jambes de vieillard. Soudain, alors qu’il arrivait à la table de marbre, il se mit à crier. Ses fils aussi. Ils gesticulaient et hurlaient. Lorsqu’un des gardes rejoignit Laocoon, celui-ci était recroquevillé par terre et gémissait. Ses fils se tordaient de douleur. Alors le garde recula d’un bond et tourna vers nous un visage atterré.
    — Ne t’approche point, seigneur ! cria-t-il. C’est un nid de vipères ! Ils ont été mordus tous les trois !
    Je levai les bras vers les espaces infinis du firmament.
    — Père céleste, tu nous as envoyé un signe ! Tu as, sous nos yeux, terrassé Laocoon parce qu’il a dénigré le cadeau qu’avait offert ta fille au peuple de ma cité ! Ce cheval est une bénédiction ! Ce cheval est sacré ! Il empêchera les Grecs de franchir nos portes, et ce à tout jamais !
     
    Elles étaient maintenant révolues, ces dix années de guerre contre un si puissant ennemi. Nous y avions survécu et étions toujours nos propres maîtres. L’Hellespont et le Pont-Euxin nous appartenaient de nouveau. La citadelle se parerait à nouveau de clous en or. Et les sourires refleuriraient sur nos lèvres.
    J’invitai au palais les membres de la Cour et ordonnai la préparation d’un festin ; nos dernières craintes évanouies, nous nous abandonnâmes aux réjouissances avec l’enthousiasme d’esclaves affranchis. Éclats de rire, chants, cymbales, roulements de tambour, sonneries de trompes et trompettes montaient depuis les rues jusqu’à la citadelle. Troie était libre ! Enfin ! Il avait fallu dix ans ! Dix années ! Troie avait remporté la victoire. Troie avait à jamais chassé Agamemnon de ses rivages.
    Ah, quel plaisir j’éprouvai à regarder Énée ! Il n’était pas allé voir le cheval, n’avait pas non plus quitté le palais pendant que nous nous donnions tant de peine. Cependant il lui fut difficile de ne pas assister au festin. Son visage était de marbre et la fureur couvait dans son regard. J’avais gagné et il avait perdu. Troie serait gouvernée par mes descendants et non par lui !

33
    Récit de Néoptolème
     
    Ils refermèrent la trappe bien avant l’aube et nous, qui toute notre vie avions connu l’obscurité des nuits, nous découvrîmes ce qu’elle était véritablement. Écarquillant les yeux, je m’efforçais d’y voir, sans pour autant réussir à distinguer quoi que ce soit. J’étais frappé de cécité. Tout était ténèbres, des ténèbres palpables, insupportables même. Cela n’allait durer qu’un jour et une nuit, pensais-je, si nous avions de la chance. Au moins un jour et une nuit à rester accroupis au même endroit, sans apercevoir le moindre rai de lumière, sans pouvoir d’après le soleil déterminer le moment de la journée. Chaque instant durait une éternité et nos oreilles devinrent si sensibles que la respiration des hommes était pareille au roulement lointain du tonnerre.
    Mon bras effleura Ulysse ; je frémis malgré moi. Je me pinçais les narines pour ne pas sentir les relents de sueur, d’urine, d’excréments.
    Je vais perdre la vue, pensai-je. Mes yeux reconnaîtront-ils la lumière, ou m’éblouira-t-elle au point de me livrer aux ténèbres pour le restant de mes jours ? J’étais tendu, la terreur rôdait autour de moi, étreignant cent des hommes les plus courageux qui fussent. La langue me collait au palais. Je cherchai l’outre d’eau, il me fallait à tout prix trouver une occupation.
    De l’air passait, au travers d’un labyrinthe de trous minuscules ingénieusement percés dans le corps et la tête de l’animal, mais Ulysse nous avait avertis que la lumière ne filtrerait pas par ces trous quand il ferait jour à l’extérieur, car on les avait recouverts de plusieurs épaisseurs d’étoffe. Je finis par fermer les yeux. Les efforts que je faisais pour voir étaient si douloureux que j’en fus réellement soulagé et trouvai l’obscurité plus facile à supporter.
    Ulysse et moi étions assis dos à dos. Pour me détendre, je m’appuyai sur lui ; j’évoquai toutes les femmes que j’avais connues et les passai en revue l’une après l’autre : il y avait les jolies et les laides, les petites et les grandes, la première et la dernière avec laquelle j’avais fait l’amour,
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