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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais
Autoren: Jean-François Parot
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murmura-t-elle l'air égaré.
    — Comment cela ! On vous a aperçue vous enfuyant.
    — Ce n'était pas moi.
    — Pas vous ? À qui le feriez-vous croire ? Près du moulin ? Hein, la mémoire vous revient !
    — Je n'y étais pas, j'étais aux …
    Elle s'arrêta.
    — Où donc ? Pas chez vous, mademoiselle. Pas à l'Opéra. Aux quoi ? Hein ? Aux Invalides selon moi.
    — Non, non ! jeta-t-elle en désespoir.
    — Alors sur la route de Versailles ? Car d'où proviennent ces traces de poudre ?
    — J'ai dû en toucher à l'atelier.
    — Ainsi vous reconnaissez avoir manié de la poudre. Vous êtes donc persuadée que vos mains en portent témoignage. Voilà un argument décisif et je vais vous dire pourquoi, Agnès Guinguet. Dans cette sombre pièce, je n'ai rien recueilli sur vos ongles et sur vos mains. Les uns et les autres sont beaux et propres.
    Il agita son mouchoir blanc immaculé.
    — Vous ne dites rien, car en effet il n'y a rien à dire. Je vous crois et vous proclame agent du secret anglais dès le début de votre si curieuse apparition chez M. Le Roy. La mort de Freluche s'imposait car vous ignoriez ce que Rivoux avait pu lui confier. Or tout se sait quand les uns surveillent les autres et vous pressentiez qu'il avait laissé échapper sa maîtresse. La pauvrette a sans doute été abusée par l'apparition d'un uniforme bleu à Vaugirard… Le rôle de Deplat devra être reconsidéré dans cette embûche. Quant à la tentative contre ma personne, dans le doute, je vous en donne quitus. C'est sans doute Lord Aschbury qui, une fois de plus, m'a dépêché ses sicaires. Allez, mademoiselle, que la justice du roi passe.
    Il éprouvait soudain une grande lassitude. Il avait une fois de plus triomphé et démonté les arcanes d'une affaire dans laquelle il avait dû agir contre un adversaire redoutable et à contre-pied de Sartine, mais à quel prix ! Celui-ci sortit sans le saluer, mais lui jeta au passage une phrase intrigante.
    — Vous croyez triompher ? Mais vous ne savez rien ! la surface des choses…
    L'amiral qui emboîtait le pas au ministre pressa Nicolas contre lui.
    — Allons, vous le connaissez. Il vous reviendra. C'est l'échec de cette opération qui le mortifie et le ronge et non votre obstination à la démêler.
    Il demeura un long moment dans la grande salle déserte. La victoire avait un goût amer. Justifiait-elle les sacrifices consentis et cette rupture ? Et connaissait-il vraiment le fin mot de cette affaire ? Le Noir et Bourdeau vinrent le chercher, l'entraînèrent et ensemble ils sortirent du Grand Châtelet. Le lieutenant général de police les convia tous les deux à souper. En chemin, ils éprouvèrent la fureur des éléments dont les assauts martelaient la caisse du carrosse. Le ciel était à l'unisson des sentiments de Nicolas.

ÉPILOGUE
    On ne se joue jamais des rois sans en être puni.
    Cardinal de Retz
    Le jeudi 20 février, Lavalée, Rivoux et le marquis de Ranreuil rendirent les derniers devoirs à la dépouille de Freluche. Seul Nicolas mesurait l'ironie de leur réunion. Une messe de requiem à Saint-Étienne du Mont précéda l'inhumation au cimetière de Clamart. Non loin de là, anonyme, reposait Saül Francis Peilly.
    Le jeudi 27 février, alors que tout s'apprêtait pour la messe de mariage de la fille de M. Le Noir, les invités apprirent la mort subite de M. de Saint-Florentin, duc de la Vrillière. Le vieux ministre avait succombé à une attaque à la suite d'une querelle de famille. Nicolas en éprouva de la peine. Un autre lien avec le feu roi se rompait. Ainsi le temps faisait son œuvre et isolait chacun.
    Le 1 er mars, deux fourgons entourés chacun d'un gros de cavalerie quittaient à grande allure le Châtelet pour des destinations inconnues. Nul n'entendit plus jamais parler d'Armand Deplat ni d'Agnès Guinguet.
    Le même jour, à Lorient, le vaisseau de ligne La Surprise , en partance pour Pondichéry, recevait à son bord le chevalier Tadeusz von Issen. Son commandant avait reçu instructions de le tenir consigné dans sa cabine sans contact avec l'équipage et de le débarquer au Cap.

    Lettre du marquis de Pons, ministre du roi à Berlin, à M. de Vergennes, le 5 avril 1777
    Monsieur le comte ,
    La santé du roy de Prusse paroit se soutenir assés constamment bonne. On remarque cependant que, depuis le 25 du mois dernier que les exercices ont recommencé, Sa Majesté prussienne ne s'est encore montrée ni à la
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