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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice
Autoren: Andrea H. Japp
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D’une voix presque sèche, il commença, son regard fuyant celui du bourreau :
    — Vous souvient-il d’une jeune Évangeline Caquet, d’à peine quatorze ans, une grande brute épaisse de fille ? Elle devait son nom au caquetoire de l’église où elle avait été abandonnée enfançonne.
    Hardouin fouilla sa mémoire, en vain, et hocha la tête en signe de dénégation.
    — Vous la tourmentâtes jusqu’à son rapide aveu, en respectant les… égards 14 que nous accordons aux femmes et l’exécutâtes ensuite, par enfouissement dans le sol.
    — Seigneur bailli, j’ai supplicié et exécuté tant d’êtres. Il serait fort peu judicieux que je me les remémore tous.
    — Certes… Mais, voyez-vous, je suis certain qu’elle était innocente, dans tous les sens du terme. Elle était… lente, simple et ne comprenait pas le quart de ce qu’on lui disait. Un gros avantage pour l’accusation, en plus des témoignages qu’ils fournirent, de complaisance, j’en suis certain.
    Cadet-Venelle se concentra, sans succès. Le chemin que lui avait indiqué son père permettait aussi cela : oublier les traits, les visages, les noms, les hurlements, les suppliques. Sentant que le souvenir se refusait au bourreau, Tisans poursuivit :
    — Il y aura bientôt cinq ans, elle fut accusée du meurtre ignoble de sa maîtresse, Muriette Lafoi, l’épouse d’un officier briseur 15 . Elle faisait office de souillon 16 de cuisine chez les Lafoi, d’honorables et pieux laïcs, ainsi qu’il fut répété par leurs serviteurs et voisins, sans oublier leur prêtre. Un carnage, à coups de hachette. Le visage de Muriette Lafoi n’était plus que lambeaux sanglants. Évangeline Caquet a été retrouvée assise à côté du corps, chantonnant en tenant la main de sa défunte maîtresse, les bras, les mains et le visage couverts de son sang. La hachette a été découverte, souillée de sang, dans un massif de sauge, à une dizaine de toises* de la maison. La femme Lafoi serrait dans sa paume une médaille de la Vierge, en argent. Si un vagabond était entré afin de voler, qu’il ait été surpris par la maîtresse de maison et l’ait tuée, nul doute qu’il aurait emporté la médaille, très monnayable. Ce fut du reste un autre argument à charge : rien n’avait été dérobé dans la maison. Lorsque vous lui fîtes subir le tourment décidé par les jurés, la fustigation 17 , la fille Caquet répondit « voui, voui » à tout. Elle ne comprenait goutte 18 . Au fond, tant mieux pour elle : sa souffrance dura peu.
    Un visage lourd, en sueur, en larmes et pourtant un sourire gluant de salive s’imposèrent alors au bourreau. Elle souriait toujours lorsqu’il l’avait poussée avec douceur dans la fosse creusée pour l’enterrer vive.
    — Je la revois, de façon assez vague, affirma-t-il.
    — Elle était innocente, j’en jurerais. En d’autres termes, un autre était coupable.
    — D’où vous vient cette conviction, seigneur bailli ?
    — À mon tour de risquer l’accusation d’une sensiblerie de dames. Son regard. Son regard lorsqu’elle s’est allongée sans protester dans la fosse.
    — Sensiblerie ? Il ne m’a fallu, à moi aussi, qu’un regard de femme. Celui de Marie de Salvin…
    Le sous-bailli ne parut pas l’entendre. Il ferma les paupières avec lenteur.
    — Venelle… À cet instant précis… j’ai eu… la certitude que Dieu me voyait par l’intermédiaire des prunelles d’Évangeline Caquet et un froid mortifère m’a gelé les intérieurs. J’ai su… que Dieu n’avait pas souhaité qu’elle Le rejoigne sitôt. Peu me chaut qu’elle ait été jugée ainsi que l’usage et la loi l’exigeaient ; nous avons usurpé la volonté du Tout-Puissant ! Étrangement, je m’en étais accommodé… comme de tant d’autres choses, jusqu’à votre… éclat au sujet de Faussay. Accommodé au point de reléguer certains détails troublants dans un recoin de mon esprit.
    — Troublants ? releva Hardouin cadet-Venelle en se levant afin de remplir d’infusion le gobelet vide du sous-bailli.
    — Oui-da. Le briseur Garin Lafoi, le veuf éploré, qui visitait des siennes terres à une bonne lieue* de sa demeure lors du meurtre, déménagea de Mortagne pour sa résidence de Nogent-le-Rotrou quelques mois après l’horrible trépas de son épouse. Une partie de sa domesticité l’y suivit. À l’exception de trois de ses serviteurs, dont une jeune femme, qui tous avaient
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