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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice
Autoren: Andrea H. Japp
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gloussant des difficultés du valet du bourreau et des hommes du bailli à hisser le cadavre. Nombre d’entre eux ramassèrent des pierres et lapidèrent le corps sans vie de Jacques de Faussay.

    Hardouin cadet-Venelle rentra soulagé. Le calvaire et la mort de l’infâme ne lui avaient procuré aucun plaisir ni déplaisir. Une nécessité qu’il avait accomplie à l’instar de tant d’autres. En revanche, que justice soit enfin rendue et que Marie de Salvin ait retrouvé son honneur le grisait. Lui, l’exclu, le presque non-humain, avait contraint les hommes et la justice à la vérité.
    Bernadine prépara le bain 6 de son jeune maître, une eau chaude additionnée d’une robuste décoction de tilleul et de mauve. Lorsqu’il se dévêtit 7 , elle se fit à nouveau la réflexion qu’il était fort bel homme. Certes, il n’était plus puceau depuis longtemps. Il découchait parfois une ou deux nuits de suite et Bernadine, plus une oie blanche depuis longtemps, se doutait qu’il rencontrait des femmes. Pourtant, il n’en avait jamais mentionné aucune, alors que nombre de jolies filles de bourreau auraient supplié pour obtenir un tel parti. Bah ! Il était encore jeune. Le moment viendrait bien où il se déciderait à prendre épouse.
    Une fois seul, environné par l’eau parfumée du grand baquet de cuivre, Hardouin laissa son esprit dériver dans une sorte de bienveillante torpeur. Il se sentait paisible, régénéré. Un rêve d’endormissement lui vint-il ? Pourtant, la suite fut d’une telle réalité que sa peau s’en imprégna avec avidité.
    Alors que l’assoupissement le gagnait, il sentit une soudaine et douce pression contre son flanc, la tiédeur d’un bras en écharpe autour de son cou, la sensation d’un baiser contre son aisselle, la caresse de longs cheveux mouillés sur sa poitrine. Il supplia pour ne pas se réveiller mais ouvrit les paupières en murmurant :
    — Marie ?
    La sensation de ce corps de femme lové contre lui persista quelques fugaces instants pour s’évanouir ensuite, laissant sa peau et son âme à vif. Une peine incohérente le redressa. Lui, condamné à l’éternelle solitude, et qui s’en était, au fond, bien accommodé, se sentit soudain abandonné d’insupportable manière.
    Hardouin cadet-Venelle dîna ensuite avec un appétit d’ogre. Il lui sembla que les mets exhalaient des odeurs plus enivrantes, recelaient des goûts plus exquis qu’à l’accoutumée. Il en fit compliment à Bernadine qui attendait, debout derrière sa chaise. Surprise, elle le détrompa :
    — Ben… J’ai rien changé à la r’cette. Quant au vin, il provient du même tonneau en perce qu’hier, avant-hier, la s’maine dernière.

    La nuit se fit capricieuse. Hardouin passait d’un sommeil si profond qu’il ressemblait à une mort très tendre à des éveils où l’acuité de ses sens le stupéfiait. Le sifflement péremptoire d’une dame blanche 8 , auquel répondit presque aussitôt un hululement vindicatif de hibou, le fit sourire. Il y déchiffra une mise en garde que s’adressaient les rapaces, chacun défendant son territoire de chasse. L’odeur du thym et de la poudre de bois de cade 9 que Bernadine emprisonnait dans des petits sachets de toile qu’elle semait dans la haute almaire 10 de sa chambre afin de décourager les insectes, et sans doute de le protéger des mauvais esprits, lui parvint, si forte qu’il s’étonna de l’avoir à peine remarquée jusqu’à cette nuit. Quelque part au-dessus de sa tête, une cavalcade légère, presque imperceptible, celle d’une souris dans les combles. Dans le silence nocturne résonnaient les battements paisibles et puissants de son cœur, l’écho de son sang dans les artères de son cou.
    Sans appréhension, sans précipitation, il tenta de percer le mystère de cette métamorphose qu’il sentait dans chacune de ses fibres. À l’évidence, elle devait avoir une signification, une destinée. Le sommeil le terrassa sans qu’il le sente approcher. Lorsqu’il se réveilla à nouveau, la nuit était toujours pleine et son esprit revint au point précis où la conscience l’avait abandonné plus tôt. Qui était à l’origine de sa transformation ? Dieu ? Marie de Salvin ? Lui-même ? La multitude de ceux qu’ils avaient fait passer de vie à trépas ? Quelle importance, au fond ?
    D’autres courts sommeils, profonds tels d’insondables et obscurs précipices, courts au point qu’il avait
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