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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois
Autoren: Francis Perrin
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réalités avec un grand recul, émetteur d’une vision qu’on ne voit pas,
qu’on ne peut pas voir ou mieux qu’on ne veut pas voir, pitre lucide, intégré
et opprimé à la fois, travesti de l’esprit spirituel, critique acide de
l’autorité absolue, irrespectueux et insolent, calculateur, astucieux et
habile, incohérent, illogique, démesuré, malin, dérangeant, alambiqué, grossier
et raffiné… À quoi bon faire mon panégyrique ? Rabelais l’avait mieux fait
que moi.
    Mille questions tournaient dans mon cerveau qui n’avait plus
la célérité des pensées qui avaient fait ma réputation. Étais-je un innocent
démon ou un animal divin ?
    Je fus le complice des rois que je poussais parfois en mal
et victime de ceux qui, avec le roi, s’amusaient de mes farces. Ma vie a été
traversée par la contradiction où ma duplicité était évidente et que je me
devais d’entretenir. Ce double, partie intégrante de moi-même, m’incitait
constamment à me révéler soit par le comique, soit par le tragique.
    La suprême justesse de mes propos amorçait parfois un doute
sur ma folie d’esprit simple qui fait simplement rire. Il ne faut jamais
oublier que je risquais ma tête à chaque instant mais mon impunité était
limitée au bon gré de celui qui me l’avait généreusement accordée et qui
pouvait, selon son humeur du moment, me l’ôter en même temps que la vie. Ma
vie, une vie de funambule dont je viens de décider de couper le fil !
    Ma laideur et ma difformité étaient des critères rassurants
pour devenir l’objet des dérisions qui m’ont toujours blessé. Mon but n’est pas
qu’on me plaigne, j’ai toujours été assez solide pour endurer les humiliations
et les souffrances sans avoir besoin du baume de la compassion. J’ai su
m’endurcir au mal pour supporter l’insupportable.
    Mon sort était enviable aussi bien par la position que par
les richesses dont on m’a comblé. Je fus royalement entretenu aussi bien que
protégé mais toute gloire mérite châtiment et mon châtiment a été d’être sans
cesse minimisé. Beaucoup se sont profondément mépris sur moi ; moi j’ai
toujours eu le plus profond mépris pour eux et ce mépris perdure encore.
    Tu crois que l’éternité donne le repos ? Il faut croire
que non puisque j’ai senti le besoin pressant de revenir me réhabiliter auprès
de toi.
    Je reste tout de même le bouffon le plus connu de toute
l’Histoire avec un grand H. Bien sûr, j’aurais pu tenir un journal en y
consignant toute l’épopée de ma vie et de mes rencontres. Mais à quoi bon
puisque je viens de t’en raconter une grande partie, même si elle ne représente
pas la moitié de tout ce que j’ai vécu !
    J’en connais peu qui ont eu le privilège de pouvoir revenir
de l’au-delà mais j’étais persuadé que l’on m’en donnerait l’occasion et quand
je t’ai entendu m’appeler, j’ai saisi ma chance.
    Je n’ai pas été obligé de sortir de ma tombe,
heureusement ! Mon squelette doit être si tordu qu’il serait rapidement
tombé en poussière.
    Je te sais gré de m’avoir fait revenir avec ce corps de
marionnette qui se dresse au bout de ta main. Et si je n’avais été qu’une
marionnette de chiffons ?
    J’avais le sentiment désagréable que tout ce que j’avais
accompli était totalement inutile. Je n’ai peut-être pas eu la vie que je
méritais. Quand je lisais les exploits des Chevaliers de la Table ronde, je me
disais que j’aurais dû naître dans le corps de Lancelot, j’aurais voulu être
beau, avoir du charme, ne pas être obligé d’être drôle. « Beau, beau, beau
et con à la fois ! » Pourquoi pas ?
    Je rêvais de beauté, de grâce et de douceur, pas de luttes,
d’efforts et de simagrées. On désire toujours ce que l’on n’a pas ; je
serai donc l’éternel insatisfait qui s’est satisfait de sa vie. J’étais né
mélancolique et ma gaieté n’était que fabrication. Je me suis forcé à faire
rire. Je vais retrouver ma vraie nature comme si la mort était mon meilleur
destin. Ma vie n’a été qu’une mascarade. J’ai fait vivre un être qui m’était
totalement étranger et pourtant je l’ai supporté et même accepté pendant près
de soixante ans.
    J’ai été l’acteur de ma vie sans cesse en représentation,
j’ai joué ce personnage qui a fini par être moi-même (une partie de
moi-même ?), en modelant mon caractère à la perfection.
    On peut m’accuser de
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