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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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dit-il. Vous semblez si raisonnable et si intelligente. Je pensais : « Voilà peut-être une « Américaine qui dira du bien de nous en rentrant « chez elle, une Américaine qui comprendra, peut-« être, notre point de vue… »
    Il se leva.
    –  Je suppose que c’est trop demander.
    Il se retourna vers elle et sourit, plaisamment, son visage fin et agréable envahi par une touchante amabilité.
    –  Permettez-moi de vous faire une suggestion. Rentrez ch ez vous , en Amérique. J’ai bien peur que l’Europe ne vous rende très malheureuse.
    Il tâta la neige.
    –  La température sera un peu glaciale, aujourd’hui, continua-t-il d’un ton professionnel. Si votre ami et vous avez l’intention de faire du ski, je vous emmènerai moi-même sur la piste ouest… si cela vous convient. Ce sera la meilleure aujourd’hui, mais il n’est pas prudent de s’y aventurer seul.
    –  Merci.
    Margaret se leva à son tour.
    –  Mais je ne pense pas que nous restions.
    –  Il arrive par le train du matin ?
    –  Oui.
    Le professeur de ski hocha la tête.
    –  Il lui faudra rester au moins jusqu’à trois heures de l’après-midi. Il n’y a pas d’autre train.
    Il la regarda en fronçant ses épais sourcils.
    –  Vous ne voulez pas passer ici le reste de vos vacances ?
    –  Non, dit Margaret.
    –  À cause de cette nuit ?
    –  Oui.
    –  Je comprends. Attendez.
    Il tira de sa poche un crayon et une feuille de papier, écrivit quelque chose.
    –  Voici une adresse que vous pourrez utiliser. Ce n’est qu’à une vingtaine de milles d’ici. Le trai n de trois heures s’y arrête. C’est une charmante petite auberge, avec une bonne descente de ski, très moderne, et les gens y sont très gentils. Pas politiques pour un sou .
    Il sourit.
    –  Pas horribles, comme nous. Il n’y a pas de Frédérick. Vous y serez très bien accueillie, ainsi que votre ami.
    Margaret prit le papier et le mit dans sa poche.
    –  Merci, dit-elle.
    Elle ne pouvait s’empêcher de penser à quel point cet homme était correct et bon, en dépit de tout.
    –  Nous irons probablement.
    –  Très bien. Passez de bonnes vacances. Et ensuite…
    Il sourit et lui tendit la main.
    –  Ensuite, retournez en Amérique.
    Elle lui serra la main. Puis elle se mit à redescendre la colline dans la direction de la ville. Lorsqu’elle arriva au pied de la descente, elle se retourna. Il avait commencé sa journée, et, accroupi sur ses skis, il aidait, en riant patiemment, une petite fille de sept ans, coiffée d’un bonnet de laine rouge, à se sortir de la neige dans laquelle elle était tombée.
    Joseph débarqua du train, exubérant et joyeux. Il l’embrassa et lui donna une boîte de friandises qu’il avait apportée de Vienne, avec un soin intense, et un bonnet de ski bleu ciel qu’il n’avait pu résister à la tentation de lui acheter. Il l’embrassa encore et dit : « Bonne année, chérie ! » et « Seigneur ! regarde-moi ces tache s de son », et « Je t’aime, je t’aime », et « Tu es la plus belle Américaine du monde ! » et « Je meurs de faim. Où est le déjeuner ? » et respira profondément et regarda autour de lui, avec un orgueil de propriétaire, les montagnes écrasantes, et dit, en la prenant par la taille :
    –  Regarde ! regarde ça ! Ne me dis pas que tu en as l’équivalent en Amérique !
    Mais lorsqu’elle se mit à pleurer, doucement, il redevint sérieux et la tint contre lui et baisa ses larmes, et dit de sa voix honnête et basse : « Quoi ? Qu’y a-t-il, chérie ? »
    Lentement, debout l’un près de l’autre, dans un coin de la petite gare, cachés de presque tous les autres occupants du quai, elle le lui raconta. Elle ne lui parla p as de Frédérick, mais des chants de la veille et des toasts nazis et lui dit que pour rien au monde elle ne resterait un jour de plus dans ce pays. Joseph l’embrassa sur le front, l’air absent, et lui caressa la joue. Son visage perdit l’animation et la gaieté d’écolier en vacances qu’il avait eues lorsqu’il était descendu du train. La fine ossature de ses joues et de sa mâchoire apparut soudain, douloureuse et nette, sous sa peau, et ses yeux assombris semblèrent s’être enfoncés dans leurs orbites.
    –  Ah ! dit-il, même ici. Dedans, dehors, à la ville, à la campagne…
    Il secoua la tête.
    –  Margaret, Baby, dit-il gentiment, je crois que tu ferais mieux de quitter
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