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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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sept victimes dans le Midwest et que Madrid avait été bombardée douze fois au tournant d’une année qui, fort commodément pour les lecteurs du Times, commençait à Madrid plusieurs heures avant de commencer à New York.
    La police, pour laquelle la nouvelle année se traduisait surtout par un accroissement du nombre des cambriolages, des viols et des accidents de la circulation, feignait, aux coins des rues, de s’associer à l’allégresse générale, mais les yeux des policiers étaient las et cyniques, tandis qu’ils canalisaient de part et d’autre du Square le flot des animaux humains en folie.
    Les animaux eux-mêmes, coulant comme une lave inexorable à travers la boue saturée de papier, s’entrejetaient au visage des poignées de confetti chargés des innombrables germes des rues de la ville, et soufflaient dans des mirlitons pour montrer au monde qu’ils étaient heureux et sans peur, échangeaient des souhaits de plus en plus rauques, avec une bonne humeur qui ne durerait pas jusqu’au matin. Ils étaient venus pour cela des brouillards d’Angleterre, des brumes vertes d’Irlande, des dunes d’Irak et de Syrie, des ghettos de Pologne et de Russie, des vignobles d’Italie et des bancs de morues de Norvège, et de toutes les îles, de toutes les villes, de tous les continents éparpillés à la surface de la terre. Plus tard, ils étaient venus de Brooklyn et du Bronx, et d’East Saint Louis et de Texarkana, et de villes appelées Bimiji, et Spirit, et Jaffrey, et ils avaient tous l’air de n’avoir jamais eu assez de soleil ni assez de sommeil ; ils avaient tous l’air de porter des vêtements faits pour d’autres ; ils avaient tous l’air d’avoir été jetés dans cette cage glaciale d’asphalte et de béton pour la durée des vacances de quelqu’un d’autre, pas les leurs ; ils avaient tous l’air de comprendre, au fond d’eux-mêmes, que l’hiver durerait toujours et qu’en dépit des mirlitons et des rires et de la promenade mystique de ces millions de pieds traînants, l’année 1938 serait pire encore que la précédente.
    Pickpockets, putains, joueurs professionnels, maquereaux, escrocs, chauffeurs de taxi, barmen et tenanciers d’hôtels étaient en train de gagner de l’argent, ainsi que les producteurs de pièces, les vendeurs de Champagne , les mendiants et les portiers des boîtes de nuit. Çà et là, un fracas de verre brisé signalait l’atterrissage des bouteilles de whisky jetées par les fenêtres des hôtels dans les étroites impasses destinées à fournir l’air, la lumière et une vue restreinte du monde aux chambres à deux dollars – promues, pour cette nuit, à la dignité de chambres à cinq dollars – dans lesquelles les étrangers à la ville enterraient l’ an mort et fêtaient l’ an neuf. Dans la 5 0 e Rue, quelqu’un coupa la gorge d’une jeune fille, et la sirène d’une ambulance ajouta brièvement son appel péremptoire au tumulte général. Par les fenêtres entrouvertes, brillantes et jaunes, sur les rues plus tranquilles, parvenaient les rires aigus et vides des femmes, la voix de la ville du samedi soir et des jours fériés, qu’on entend seulement, excitée et pâteuse, vers les heures froides et sombres du matin.
    Plus tard, dans l’air sans âge du métro et le grondement noir des trains de banlieue, les foules fuiraient, oscillantes, hagardes, silencieuses et meurtries de sommeil, vers leurs foyers lointains, dans un relent compliqué de gardénias de coins de rues, d’oignon, d’ail, de sueur, de cirage, de parfums innombrables et d’activités multiples. Mais, pour l’instant, elles s’écoulaient dans les rues brillamment éclairées, soufflant dans des mirlitons de papier, dans des sifflets de fer blanc, agitant des crécelles, fêtant obstinément, irrésistiblement, la venue de la nouvelle année, car, faute d’une meilleure raison, elle leur apportait la preuve qu’ils avaient au moins survécu à l’année précédente.
    Michael Whitacre se frayait un chemin dans la foule. Il se sentait sourire mécaniquement, hypocritement, aux gens qui le bousculaient. Il était en retard, il n’arrivait pas à trouver un taxi, et il n’avait pu éviter de rester après la représentation et d’avaler avec les autres, dans l’une des loges, quelques verres dont l’absorption rapide lui avait laissé la tête bourdonnante et l’estomac enflammé.
    Le théâtre avait été impossible. L’assistance bruyante
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