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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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l’Europe. Rentre chez toi. Rentre en Amérique.
    –  Non, répondit-elle, disant ce qu’elle pensait sans penser à ce qu’elle disait. Je veux rester ici. Je veux t’épouser et rester ici.
    Joseph secoua la tête. Un peu de neige fondue brillait sur ses cheveux fins, coupés court, et qui commençaient à grisonner.
    –  Il faut que je visite l’Amérique, dit-il. Il faut que je visite le pays qui produit des jeunes filles telles que toi.
    –  J’ai dit que je voulais t’épouser.
    Margaret lui tenait le bras, bien serré, bien fermement.
    –  Une autre fois, chérie, dit Joseph tendrement. Nous en reparlerons une autre fois.
    Mais ils n’en reparlèrent jamais.
    Ils retournèrent à l’hôtel Langerman et prirent, tranquillement assis devant une fenêtre étincelante de soleil, contre le fond majestueux des Alpes, un énorme petit déjeuner composé d’œufs et de bacon et de pommes de terre et de brioches et de café à la viennoise, avec des globes de crème fouettée. Frédérick les servait, discret et courtois. Il avait reculé la chaise de Margaret lorsqu’elle s’était assise et remplissait vivement la tasse de Joseph chaque fois qu’elle était vid e.
    Après le petit déjeuner, Margaret monta faire ses bagages et prévint M me  Langerman qu’elle et son ami étaient obligés de partir, M me  Langerman gloussa, répondit :
    –  Quel dommage ! – et présenta sa note.
    Il y avait, sur cette note, un article de neuf shillings.
    –  Je ne comprends pas ça, dit Margaret.
    Elle était debout dans le hall, devant le bureau de chêne brillant, et montrait quelque chose, sur la note. M me  Langerman, fraîche, bien coiffée et reluisante derrière le bureau, se pencha et ferma à demi ses yeux de myope pour regarder la feuille de papie r.
    –  Oh !
    Elle leva vers Margaret un regard sans expression.
    –  Oh, c’est pour le drap déchiré, Liebchen.
    Margaret paya. Frédérick lui porta ses bagages , et elle lui donna un pourboire. Il s’inclina en l’aidant à monter dans le taxi et dit :
    –  J’espère que votre séjour a été agréable.
    Margaret et Joseph confièrent leurs bagages au x messageries et se promenèrent au hasard, en regardant les vitrines, jusqu’à l’heure du départ de leur train.
    Au moment où le train démarra, elle crut apercevoir Diestl, brun et gracieux, au bout du quai. Elle agita le bras. La silhouette ne lui rendit pas son salut. Mais ça lui ressemblerait assez, pensa-t-elle, de descendre jusqu’à la gare et de la regarder partir avec Joseph, sans même lui adresser un signe d’adieu.
    L’auberge que Diestl lui avait recommandée était petite et jolie, les gens, charmants. Il neigea deux des trois nuits. Le matin, les pistes de ski étaient fraîchement recouvertes. Joseph n’avait jamais été plus gai, plus séduisant. Margaret dormait, bien au chaud, en sécurité dans ses bras, dans l’énorme lit de plumes qui paraissait avoir été fait pour les lunes de miel en montagne. Ils n’abordaient aucun sujet sérieux et ne parlèrent jamais plus de mariage. Le soleil brillait sur les pics, dans le ciel clair, tous les jours, toute la journée ; l’air était stimulant et âpre. Le soir, devant le feu, Joseph chantait pour les autres invités des lieder de Schubert, d’une voix émouvante et douce. Dans la maison planait toujours une odeur d’aromates. Tous deux avaient le teint brun foncé des vieux montagnards, et cependant des tache s de rousseur apparaissaient chaque jour plus nombreuses sur le nez de Margaret. Elle pleura presque lorsque, le quatrième jour, ils durent reprendre le chemin de la gare pour retourner à Vienne. Les vacances étaient finies !

 
2
     
     
     
    N EW YORK CITY , elle aussi, souhaitait la bienvenue à la brillante nouvelle année 1938. Pare-chocs contre pare-chocs, les taxis piétinaient sur les chaussées humides, dans le rugissement continuel de leurs klaxons, pareils à un titanesque mille-pattes de verre et de métal englué au béton des rues. Au cœur de la cité, prisonniers des lueurs meurtrières de la publicité lumineuse, comme des forçats repérés en pleine tentative d’évasion par le projecteur des gardiens, un million d’inconnus, compressés ensemble dans les métros, roulaient lentement, sans but précis, en longues marées entrecroisées. Le journal lumineux qui tremblait nerveusement autour de l’immeuble du Times annonçait aux fêtards qu’une tempête avait fait
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