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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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quelque farce compliquée.
    –  Qu’est-ce que la Commission d’Enquêtes fédérales a à voir là-dedans ?
    –  Ils mènent sur tous les candidats une enquête approfondie. Et ils ont dit que tu n’étais pas digne de confiance.
    –  Non, c’est une blague ? dit Michael.
    –  Et pourquoi diable que je te raconterais des blagues ? s’exclama Brailsford, offensé. J’ai perdu le goût des plaisanteries, moi, je te le dis. Ils ont dit que tu n’étais pas digne de confiance, et c’est tout.
    –  Pas digne de confiance ! Michael secoua la tête, stupéfait. Qu’est-ce que je leur ai donc fait ?
    –  Tu es Rouge, dit Brailsford. Ils en ont la preuve dans ton dossier. On ne peut pas te confier des renseignements qui pourraient servir à l’ennemi.
    Machinalement, Michael parcourut des yeux le champ de tir. Des hommes étaient étendus en plein air, sur l’herbe poussiéreuse. Deux soldats se renvoyaient languissamment une balle de base-ball. Au centre de la pelouse morte, tout en haut de son poteau, le drapeau américain claquait légèrement, au gré de la brise capricieuse. Quelque part, à Washington, en ce moment même, il y avait un homme, assis derrière son bureau, qui regardait peut-être ce même drapeau étendu contre le mur de son cabinet de travail. Et cet homme, calmement et sans remords avait écrit en travers de son dossier : « Indigne de confiance. Affiliations communistes. Pas recommandé ».
    –  Ça a quelque chose à voir avec l’Espagne, dit Brailsford. Je me suis débrouillé pour jeter un coup d’œil au rapport. L’Espagne est-elle communiste ?
    –  Pas exactement, dit Michael.
    –  Tu es allé en Espagne ?
    –  Non. J’ai contribué à organiser un comité qui envoyait là-bas des fioles de sang et des ambulances.
    –  Ils t’auront, dit Brailsford. Ils ne diront rien, bien sûr ; ils te répondront seulement que t’as pas les qualités ni l’autorité requises, mais, moi, je te préviens…
    –  Merci, dit Michael. Merci beaucoup.
    –  Que diable, lui rappela Brailsford, toi et le Juif, vous m’avez traité comme un être humain. Les autres ils m’ont tous laissé choir. Mais fais ce que je te dis. Profite du tuyau et tâche de te faire transférer. J’ai pas d’avenir dans cette compagnie, mais t’en as encore moins que moi. Colclough peut pas voir les Rouges en peinture et il va se déchaîner contre toi ; c’est du tout cuit. Tu seras toujours bouclé, il t’infligera toutes les corvées et, quand l’unité combattra, tu seras toujours envoyé devant les autres, en reconnaissance, et je donnerais pas un demi-dollar de ta peau.
    –  Merci, Brailsford, dit Michael. Je crois que je vais suivre ton conseil.
    –  Sûr, dit Brailsford. Si on pense pas à protéger son cul, dans cette armée, c’est pas l’armée qui y pense pour toi.
    Il sortit un autre cure-dent de sa poche, cracha, et dit :
    –  Rappelle-toi que tu n’en sais rien, hein ?
    Michael acquiesça, regarda Brailsford s’éloigner le long du terrain de parade, et le vit monter pesamment les marches de cette salle du rapport dans laquelle il n’avait aucun avenir.
    Très loin, frêle et métallique, à l’autre extrémité des milliers de kilomètres de fils murmurants, Michael entendit la voix de Cahoon déclarer :
    –  Oui, ici Thomas Cahoon, j’accepte une communication à mon compte du soldat Whitacre…
    Michael ferma la porte de la cabine téléphonique du Rawlings Hôtel. Au camp, les murs avaient des oreilles, et il avait préféré venir téléphoner en ville.
    –  Ne parlez pas plus de cinq minutes, je vous prie, dit la standardiste. Il y a du monde qui attend…
    –  Hello, Tom, dit Michael. Je ne suis pas dans la mouise. C’est simplement parce que je n’avais pas la monnaie nécessaire.
    –  Hello, Michael, répondit Cahoon, enchanté. Ne vous en faites pas. Je déduirai ça de mes impôts sur le revenu.
    –  Tom, dit Michael, écoutez-moi attentivement. Connaissez-vous quelqu’un dans les Services spéciaux, division de New York, vous savez, ceux qui montent les spectacles pour les camps et organisent le théâtre aux armées…
    –  Oui, dit Cahoon. Je connais des tas de gens dans le Service spécial. Je travaille constamment en liaison avec eux.
    –  Je suis fatigué de l’infanterie, dit Michael. Voulez-vous essayer de m’y faire transférer. Je veux sortir de ce pays. Il y a des unités du Service spécial qui partent
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