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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Autoren: Ron Hansen
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de
principes, incapable, craintif, qui répétait constamment les mêmes erreurs.
    Bob feuilleta l’album dans lequel il
conservait des coupures de journaux de l’année 1882 et sourit à la lecture d’articles
sur les frères Ford et leur départ pour l’Est afin de se produire sur scène ;
il avisa ensuite le compte-rendu de l’exécution de Charles J. Guiteau, l’assassin
du président Garfield. D’après le reporter, le meurtrier était métamorphosé,
« doux comme un enfant », et le soir qui avait précédé sa pendaison, il
avait récité l’un de ses poèmes, « Simplicité ou enfantillages religieux ».
Un échafaud avait été érigé dans la cour de la prison et certains spectateurs
avaient payé jusqu’à trois cents dollars pour assister à sa mise à mort. On lui
avait placé une cagoule noire sur la tête, on lui avait serré le nœud coulant
autour du cou et il avait entonné un autre de ses cantiques : « Je
vais rejoindre mon Seigneur, je suis si heureux » jusqu’à ce qu’il tombât
par la trappe. La corde s’était tendue, il s’était raidi, puis il était resté à
se balancer en l’air. Toute l’assistance avait applaudi.
    En avril, le soir du Samedi saint, Bob misa
une bonne partie de ses économies sur un combat entre un boxeur professionnel
du nom de Johnson que Soapy Smith avait fait venir et un jeune gars du Colorado
dont la force extraordinaire ne put compenser son ignorance de la boxe ainsi
que des règles récemment introduites par le marquis de Queensberry. Il ne
voyait plus que d’un œil et était quasi inconscient quand, au septième round, il
s’effondra gauchement sur le tapis, incapable de réagir au compte de l’arbitre.
Le professionnel fut déclaré vainqueur et Soapy le félicitait d’une claque dans
le dos dans son coin quand Bob sauta sur le ring hors de lui, armé d’une
chaussette lestée de pièces de monnaie avec laquelle il tenta de frapper le
boxeur à la mâchoire et brisa le bras droit de l’un des gardes du corps de
Soapy avant qu’on pût le maîtriser.
    Bob ne dormit ni cette nuit-là ni le dimanche
de Pâques, qu’il consacra à s’affliger de ses pertes en compagnie de Joe Palmer,
avec qui il éclusa quatre litres de whisky avant de finalement se résoudre à
abattre le boxeur sur le coup de huit heures du soir. Ils ne parvinrent
cependant qu’à se fourvoyer en chemin : Bob obligea un boutiquier à danser
la gigue en le menaçant de son pistolet et en criblant de projectiles le sol
autour des chaussures montantes à boutons du malheureux, dont il crépit de boue
le bas du pantalon ; il tira une balle par la fenêtre d’un pasteur et
fracassa un verre de lait dans la salle à manger ; les lampes à arc qui
illuminaient Amethyst Street faisaient la fierté de la ville et avaient donné
lieu au dicton : « Il fait grand jour tout le jour à Creede et la
nuit n’y existe pas », aussi Bob s’arrêta-t-il à cheval sous chaque
lampadaire et les détruisit-il tous à coups de revolver sauf seize. Il pénétra
ensuite, toujours à cheval, dans le foyer chic du Central Theatre, où il
harangua longuement la galerie afin de justifier la façon dont il avait mené sa
vie, d’exposer les raisons pour lesquelles il croyait le combat truqué, de
professer sa haute estime pour les qualités de boxeur de son poulain et de
clamer qu’il était disposé à affronter en duel quiconque s’estimait de taille à
défier l’homme qui avait tué Jesse James. Vers minuit, à court de cartouches, Bob
regagna l’Exchange Club en beuglant une vieille chanson bravache du Kentucky :
« Biglez-moi et tremblez dans vos bottes, les gars. Je suis un faiseur de
veuves, je suis le fléau des jungles, j’ai l’œil mauvais et je sème la
désolation partout où je vais ! Je réduis les couguars en charpie et je
les mange en hachis ; un cri me suffit pour renvoyer les vautours au nid, un
regard de ma part fiche des boutons aux grizzlys, je souffle la dévastation à
chaque respiration ! Quel cerf sera assez inconscient pour taper du sabot
ou secouer ses bois en entendant ces proclamations ? Quel sera le lion
galeux qui goûtera le sel de mon nom ? »
    Un comité de cent
personnes se réunit à Creede cette nuit-là et, à l’issue d’un débat prolongé, à
cinquante-trois voix contre quarante-sept, l’idée de lyncher Bob Ford et Joe
Palmer fut rejetée et il fut décidé de les expulser de la ville. Lorsqu’on
arracha Bob à son lit
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