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L'affaire de l'esclave Furcy

L'affaire de l'esclave Furcy

Titel: L'affaire de l'esclave Furcy
Autoren: Mohammed Aïssaoui
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éloigné — ce sentiment de ne
pas être libre ne vous quitte jamais, alors vous vous mettez en
retrait. Personne ne l’avait remarqué, sauf lui, bien sûr : il était
le seul esclave dans cette maison. C’est Boucher qui parla le premier, il porta son regard vers
Constance, et il dit : « Nous pensons que Furcy a besoin de
suivre un plan pour recouvrer sa liberté. » Puis, comme s’il
avait entendu les pensées de Furcy, et estimait qu’il était indélicat de ne pas s’adresser directement à lui, il se décala légèrement pour être en face de celui qui se considérait toujours
comme un esclave. Boucher le regarda — sa voix se voila, trahissant son émotion —, il lui parla, comme s’ils n’étaient que
deux, dans la pièce : « Vous devez vous regarder comme libre. Vous êtes un
homme libre. » On n’imagine pas à quel point quelques mots simples
peuvent agir sur le cœur d’un être. Depuis cet instant-là, exactement à partir de cet instant-là, Furcy ne cesserait jamais de
se considérer comme libre. On peut dire qu’il était devenu différent. Pourquoi sa mère n’avait-elle jamais prononcé ces
paroles ? Avait-elle eu peur ? « Vous êtes libre. Vous l’avez toujours été. Le tribunal vous
accordera cette liberté dont on vous a injustement privé. » Boucher baissa les yeux en disant cela, comme intimidé par
le regard calme de Furcy. La conversation se poursuivit sur les modalités du plan.
Chacun devait apporter sa contribution. Furcy devait quitter
l’habitation de Joseph Lory, se rendre chez Célérine, et envoyer
par huissier une assignation au tribunal d’instance de Saint-Denis pour privation de liberté. Sully-Brunet prit quelques feuillets de sa serviette, il inscrivit tout ce que Boucher venait de dire et les donna à Adolphe
qui se trouvait à côté de lui. Au fond, chacun savait que les jours qui allaient suivre
seraient terribles, le combat était trop inégal, le camp adverse
possédait tous les pouvoirs. Mais personne n’osait faire des
commentaires, de peur de transmettre ses doutes aux autres. Furcy intervint posément — ce qui contrastait avec l’atmosphère tendue dans la maison —, il s’adressa à Boucher et lui
demanda si, avant de passer à la phase judiciaire, il n’y avait
pas moyen d’adresser une simple lettre à Lory et de décider
ensuite, en fonction de sa réaction, s’il l’attaquait en justice ou
pas. Il voulait laisser une chance à son exploitant. Et surtoutéviter que sa sœur, sa compagne, et ces hommes qui le soutenaient sans le connaître, ne soient mêlés à une affaire qui ne
les regardait pas et dans laquelle ils avaient beaucoup à perdre.
Il voulait vraiment leur éviter tout cela ; lui était prêt à sacrifier
le reste de sa vie, mais il souffrait à l’idée de compromettre ses
alliés. Boucher convint que c’était une bonne idée, on pouvait
expédier une notification qui restait un élément extrajudiciaire ;
il ajouta que le dossier était solide et que Joseph Lory, s’il était
intelligent, aurait tout intérêt à s’éviter un procès et à affranchir Furcy. Ils décidèrent donc d’envoyer, d’abord, une notification. Constance raccompagna Boucher et Sully-Brunet. La nuit
commençait à tomber et, à Bourbon, on sait qu’elle tombe vite,
comme un rideau. On ne distinguait plus les montagnes pourtant si proches. Ils n’avaient pas vu le temps passer. Sur le
chemin peu éclairé, ils s’arrêtèrent un instant. Boucher
demanda à Constance si elle éprouvait des inquiétudes. La
jeune femme se montra déterminée à aller au bout de sa
démarche. Le procureur général et son substitut étaient admiratifs. Elle tint même à ajouter : « Je sais que nous risquons, nous aussi, d’êtres arrêtés ou
déportés. » Boucher la rassura : « Ne vous inquiétez pas. Si l’on vous déporte, je serai
déporté aussi ; et si l’on vous enferme, nous serons enfermés
ensemble. » Constance remercia les deux hommes pour leur dévouement
et leur générosité. Le procureur répondit qu’il ne faisait là que
son travail, il expliqua à la jeune femme qu’elle pouvait être
convoquée dans cette affaire. « Si c’est le cas, que faut-il que je dise ? — Dites toujours la vérité, répondit sans réfléchir Boucher.Allez à chaque fois que vous serez appelée ; dites que c’est
moi qui ai tout fait. Je ne crains personne. J’ai juré devant mon
roi de faire mon devoir. Soyez ferme, et
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