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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara
Autoren: Rigoulot
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trouva pas cela très plaisant, mais – pourquoi pas ? – ils se marieraient. Pour la vie, pensait-elle. Pour un certain temps, pensa-t-il. Finalement, ils s’épousèrent le 8 août 1955… Mais Guevara avait déjà d’autres projets.
    Au fond, Fidel fit de Guevara un monomaniaque. Ni le prophète de la nuit, ni sa femme, ni son enfant ne comptaient désormais, mais seulement Fidel et son projet révolutionnaire. Guevara se lança dans l’apprentissage de la guérilla comme on se jette à l’eau. Tir (où il se montra excellent), marche, exercices, etc. Mais Cuba était encore loin et il fit part encore à cette époque, dans une lettre à sa mère, de projets bien différents de la Révolution puisqu’ils touchaient la recherche scientifique.
    Ce fut bien la dernière fois.
    Un engagement total
    Désormais, il importait de bien préparer la lutte : au printemps de 1956, il savait qu’il serait un révolutionnaire en armes. Il étudia Marx, Engels, Lénine mais aussi Mao et les économistes Adam Smith et Keynes. Il se préparait au Grand sacrifice, qui semblait peu lui coûter : il citait non sans complaisance Nazim Hikmet, le poète communiste turc :
    « J’emporterai seulement dans la tombe
le soupir d’un chant inachevé. »
    La séparation de fait avec Hilda ne sembla pas le perturber non plus. À elle l’enfant, à lui l’entraînement à la lutte armée dans un centre ad hoc. On retiendra de cette époque un incident intéressant, surgi pendant cet été 1956, car il souligne le désir spontané chez Guevara d’éviter toute ruse, tout mensonge, tout calcul et de s’en tenir à une opposition frontale. La police mexicaine arrêta les gens regroupés autour de Castro, qu’elle soupçonnait de vouloir assassiner Batista. Et, alors que les autres se turent ou mentirent, celui qu’on appelait déjà « le Che » parle à la police. Non qu’il ait été forcé, battu, torturé. Non : de lui-même ! Alors que Fidel faisait tout pour être relâché en prétendant être un vague réformiste opposé au régime cubain, s’indignant qu’on le prenne pour un communiste et rappelant les alliances électorales de Batista, son soi-disant ennemi, avec le Parti socialiste populaire, le PC de Cuba, le Che, lui, expliqua tranquillement qu’en effet il était un révolutionnaire et pensait que la lutte armée est indispensable pour que le peuple triomphe à Cuba et dans toute l’Amérique latine 46  !
    Différence énorme, qu’on retrouvera partout et tout le temps à l’avenir : le Che est un simple. Il n’a pas pour deux sous de diplomatie. Il fonce. S’oppose. Tue. Mais ne négocie pas. Castro, au contraire, est un politique retors, capable de mensonges et de ruses. Guevara est trop entier, trop passionné, trop borné pour faire autrement. Oui : il tue quiconque s’oppose à son action en faveur de ce qu’il croit. Et cette fusion dans un tout qui lui a tant manqué enfant, il la trouve au sein d’un groupe d’hommes qui ont accepté par avance de donner leur vie. Une sorte de sentiment océanique désormais l’envahit. La disparition du « je » lui semble une merveilleuse expérience. Sous la direction d’un homme qu’il vénère déjà, une telle expérience est possible.
    Il lui dédie ces vers de mirliton staliniens :
    « Allons, ardent prophète de l’aube
Le long de voies élevées et nouvelles
Pour libérer le vert crocodile que tu aimes… 47   »
    La pauvre Hilda eût tôt fait de goûter les plaisirs de cette évaporation du moi. En semi-clandestinité, dans l’attente du départ prochain, le Che ne rendit plus visite à sa femme que de temps à autre, pour lui délivrer quelques sermons révolutionnaires avant de se plonger dans des ouvrages sur la théorie ou l’économie politique. Il lui récite parfois un poème d’Antonio Machado – un de ceux dont on peut regretter qu’il l’ait écrit : sur Enrique Lister, un des pires staliniens de la guerre d’Espagne 48 . À sa petite fille de quelques mois, qu’il surnommait « ma petite Mao », il expliquait que, lorsqu’elle grandirait, le continent américain – et peut-être le monde entier – se lèverait contre le Grand Ennemi, l’impérialisme américain, et qu’elle aussi aurait à combattre mais qu’il ne serait peut-être plus là alors.
    Jolie berceuse… Mais il faut prendre ce tableau au sérieux : quand il deviendra commandant de la garnison de la Cabaña, en janvier 1959, il
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