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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara
Autoren: Rigoulot
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devant un portrait du regretté Staline qu’il luttera jusqu’à ce que les « pieuvres capitalistes » soient annihilées, il nous plonge dans la bande dessinée, dans un monde infantile et simpliste où les capitalistes portent des hauts-de-forme, fument de gros cigares et ne cherchent qu’à pressurer le pauvre peuple. La pieuvre, comme le requin ou la sangsue, autant de caricatures communistes du patronat à l’époque. Guevara les adoptait sans peine. Il tenait ses ennemis ! Il allait pouvoir trancher des gorges.
    En même temps, comme Hamlet, Guevara hésitait à assumer le rôle de héraut de la Loi. On ne se débarrasse pas de ses résistances facilement, même si elles ont été en théorie rejetées. Comme pour justifier que ses certitudes intellectuelles ne se transformaient pas tout de suite en actes, il nota dans ses carnets que « l’enthousiasme révolutionnaire dépendait des circonstances et de la bonne santé » alors que « ni l’une ni l’autre ne lui étaient très favorables ».
    On changeait souvent et l’on hésitait longtemps chez les Guevara. Alors qu’on nous raconte qu’il se rangeait du côté d’Arbenz et de son expérience socialiste, il fit savoir à sa mère qu’il aurait besoin de dix ans encore pour découvrir le monde… À cette époque, il a déjà fait la connaissance de Hilda Gadea, une jeune femme péruvienne sympathique. Mais il trouve bien « dommage qu’elle soit si vilaine » et fait traîner les choses. Leur liaison va peu à peu se stabiliser, pourtant. Il est vrai qu’il a besoin d’argent et qu’elle peut lui en prêter de temps à autre. Il est vrai aussi – comme c’est romantique – qu’il a « besoin d’une femme qui baise 37  ».
    Le Guatemala en 1953, ce n’est pas encore pour Guevara le temps du premier engagement, mais celui des premières sympathies. Le temps de l’entre-deux, le temps de registres différents qui coexistent. On a dit qu’il voulait aider les pauvres… Il était sans doute sensible à leur misère, mais ne faisait rien pour eux. On a dit qu’il était bohême et révolté. Certes, mais il ne faut exagérer ni son isolement ni son dénuement. L’ambassadeur d’Argentine au Guatemala rend visite au jeune Guevara et à son ami Ricardo Rojo… Les hagiographes n’insistent pas sur ces rencontres. Pas plus qu’ils n’insistent sur le fait que la motivation première de Guevara à rester au Guatemala est l’espoir qu’il caresse d’y trouver un petit boulot à l’Institut de la Sécurité sociale… Notre jeune Argentin a en poche une lettre de recommandation pour le directeur de cet organisme et il est bien décidé, « si rien ne se concrétise, à prendre ses sacoches et à émigrer au Mexique 38  »…
    Malgré la « révélation » du révolutionnaire de la nuit, notre voyageur sans bagage reste donc un touriste et un spectateur. Il est faux de prétendre qu’il devenait à cette époque un militant marxiste. Sans doute était-il plutôt du côté de la révolte et contre l’ordre établi. Marx est une bonne référence pour cela, à 25 ans. Mais Guevara continue à rêver au passé. Alors que la situation se tend encore plus au Guatemala après la découverte, le 17 mai 1953, d’un cargo suédois en provenance de Pologne, chargé d’armes tchécoslovaques, Guevara part en province, près de la frontière mexicaine où se trouvent des vestiges mayas. Il va ensuite au Salvador, visite les ruines de Tazumal, fait la fête, déclame des poèmes. Son ami Ricardo Rojo reconnaît qu’ils étaient tous deux « des spectateurs plutôt que des participants » : Guevara « se moque de tout [ se souvient-il ], fait assaut de blagues et d’ironie et, en fin de compte, apparaît comme un non-participant alors que tous ses camarades de la pension, exilés péruviens et autres, exaltent le régime d’Arbenz en danger 39  »… La tension est là, il est vrai, et à fleur de peau, mais comme le refus, par un vieil adolescent, de l’ordre établi. Quand un officier de police lui demande de mettre en sourdine ses déclamations de poèmes d’une grande violence verbale, de garder pour lui ses chants révolutionnaires et lui suggère de choisir des sujets plus champêtres, Guevara rêve de lui envoyer une rafale de mitraillette ! S’il ne passe pas à l’action, il est mûr, on le voit, pour abandonner l’arme de la critique au profit de la critique des armes, pour reprendre une formule qu’il
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