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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau
Autoren: Mireille Calmel
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l’avait rappelé auprès de ses hommes, au château. Il aurait dû aimer Albérie que deux hivers avaient éloignée de lui, tandis qu’il tremblait seul à l’idée que Chazeron se satisfasse d’elle par caprice. Il avait bu pendant son exil pour oublier qu’il n’était pas auprès d’elle, qu’il ne pourrait s’interposer à temps, qu’il était devenu inutile. Même s’ils se retrouvaient encore à Montguerlhe dans l’ancienne chambre d’Albérie, chaque pleine lune, Albérie s’était lassée de lui. Il s’était lassé de ses mensonges. Ils s’étaient disputés à cause de Marie, à cause de la marque. « Si tu révèles la vérité un jour, je te tuerai, Huc ! » avait affirmé Albérie. Il n’avait pas le vin bavard. De plus, il aimait trop Marie, quelle qu’elle fût. Mais cette vérité acheva de le détruire parce qu’elle signifiait qu’Albérie ne l’aimait plus, plus assez pour lui mentir, plus assez pour lui donner l’illusion qu’il pouvait encore la protéger, plus assez pour le protéger lui. Il avait sombré, chaque jour davantage. La contrée était paisible. Les relations de voisinage entre seigneurs étaient courtoises et amicales. À peine avait-on à mater quelques malandrins qui détroussaient les voyageurs et les pèlerins. Depuis longtemps déjà, le capitaine des gardes de Chazeron le remplaçait à la besogne. De prévôt, il ne lui restait que le titre. D’époux, il ne lui restait que le nom. De protecteur, il ne lui restait rien. À part peut-être un ultime mensonge.
    — Jamais Albérie ne ferait de tort à Antoinette-Marie.
    Antoinette s’en rasséréna.
    — C’est aussi ce que je crois. Vous avez parfois accompagné ma fille aux abords du château, Huc. Je pense qu’elle refuse de quitter le lieu de son enfance, son amie Margot, la fille de la lingère, et sa nourrice. J’ai peur qu’Antoinette-Marie se soit aventurée seule dans les bois et qu’Albérie se soit lancée à sa recherche.
    — C’est plausible, affirma-t-il.
    Il mentait.
    — Trouvez-les. La lune était pleine hier. Les loups rôdent près des habitations. Je crains pour ma fille. Et quoi que vous ayez à vous pardonner dans la vinasse, Huc, vous êtes le seul en cette maison en qui j’aie toujours eu confiance.
    Il s’inclina devant elle et s’apprêtait à sortir lorsqu’Antoinette le retint.
    — Bien sûr, cela ne me regarde pas, Huc, mais je pars pour ne jamais revenir en ce lieu. Aussi, j’aimerais savoir les raisons qui vous poussèrent à vous perdre ainsi, peu après que vous m’eûtes signifié mon congé. Avez-vous cherché à m’oublier ?
    Comme il aurait voulu que cela fût vrai ! Il se retourna vers elle, et esquissa un pâle sourire.
    — C’est moi et moi seul que j’ai cherché à oublier, Antoinette. Ne vous reprochez rien. Soyez heureuse plutôt. Vous le méritez.
    — Ramenez-moi Antoinette-Marie.
    — Je vous le promets.
    Cette fois encore il mentait. Il se promit pourtant de chercher. Il voulait dire au revoir à Albérie. Qu’elle sache qu’il restait son époux jusqu’à ce que la mort le rattrape.
     
    Il laissa l’agitation du château s’emmêler de cris, d’appels venus des jardins, des sous-bois. Il s’enfonça, sur son cheval, dans la forêt, seul, en veillant à être vu à la tâche. Puis, lorsque les voix s’estompèrent, il bifurqua et emprunta un sentier dans la montagne. Il était encombré de ronces tant il était perdu depuis longtemps.
    Il dut chercher longuement l’entrée du passage que branches et lierres avaient recouverte, mais finit par en dégager l’accès.
    Il pénétra dans l’obscurité sans faillir. Il y était revenu, après l’altercation avec Albérie deux années plus tôt, explorer les ruines de sa couardise, se faire mal dans la désolation et le cynisme. Des loups y séjournaient encore, leur odeur y était forte, ce jourd’hui il s’avança sans intention belliqueuse. Si l’un d’eux venait à se jeter sur lui, il le laisserait accomplir son office. Il serait libéré.
    Il se demanda pourquoi il avait le sentiment qu’elles se cachaient là. Peut-être parce que ce lieu était au commencement ? Bientôt il entendit des voix qui confirmèrent son intuition. Il se guida à la lueur vacillante d’une lanterne et fut là, devant elles. Elles étaient assises au centre de la salle souterraine, deux loups couchés à leurs côtés. Elles jouaient aux osselets.
    Une louve grise redressa le
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