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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau
Autoren: Mireille Calmel
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baignait, la berçait. J’avais seulement pour elle ce sein, ce lait.
    Étrange femme. Je ne l’ai jamais aimée et cependant ce lien inattendu nous a rapprochées. Elle était triste souvent, mais son visage s’éclairait au contact de l’enfant. Je me souvenais des paroles de Huc : « Elle ne peut procréer. » Elle maternait par procuration. J’aurais eu plaisir à la lui enlever, comme somme toute elle m’avait ravi par son amour et sa fonction d’épouse le désir de Huc. Mais j’ai le sentiment que je lui dois la survie d’Antoinette-Marie. Nous sommes devenues proches. Autant qu’on peut l’être avec personnage aussi distant, froid et particulier qu’Albérie. Elle posait toujours sur moi son regard métallique au-delà de toute perception ; il s’illuminait lorsqu’Antoinette-Marie lui donnait la main. C’est vers elle qu’elle fit ses premiers pas, vers elle qu’elle tendit sa première dent tombée. J’aurais dû en être jalouse. Je n’y suis pas parvenue. Mes grossesses suivantes m’ont affaiblie, la perte de mes enfants m’a rendue maussade. Albérie était d’humeur égale avec Antoinette-Marie. Je sais que jamais elle ne lui causera de tourment ni ne lui fera le moindre mal.
    Il y a trois années, Huc est revenu s’installer à Vollore, sa sanction levée. À plusieurs reprises, mon époux s’absenta. Chaque fois, Huc se montrait cordial. Le gros de la garnison avait échoué à Vollore avec lui, dans une tour que François avait fait relever. Le prévôt y tenait sa place. Il l’avait pourtant perdue. J’ignore ce qui provoqua ce changement en lui. Il s’était mis à boire, peu après la naissance d’Antoinette-Marie, jusqu’à être soûl des jours entiers. Tous les hommes boivent. Lui semblait vouloir s’oublier dans la vinasse.
    À cause d’Antoinette-Marie, je n’ai jamais retrouvé mon amant. Ils reportèrent, chacun à sa manière, leur frustration de progéniture sur elle.
    Mon époux oublia sa fille. Délaissa ma couche après la mort de son dernier fils, il y a dix-huit mois ce jour.
    Il est parti voilà trois nuits. Pour Paris. À son retour, m’a-t-il signifié, mes gens, mon linge et Antoinette-Marie devront avoir quitté ce lieu. À jamais.
    Il est doux de sortir de sa vie. J’aurais voulu emmener Albérie avec moi, mais c’est impossible. François a refusé qu’elle quitte Vollore. « Elle est un gage ! » a-t-il grommelé. J’ignore ce que cela signifie. Peut-être se sert-il d’elle pour faire pression sur Huc ? Quoi qu’il en soit, l’annonce de mon départ a fait blanchir le visage de cette femme. Elle m’a demandé l’autorisation de l’expliquer elle-même à Antoinette-Marie. À cet instant, toutes deux doivent se faire leurs adieux.
    Antoinette-Marie a cinq ans. Il est temps pour elle de sourire à d’autres gens, de goûter au véritable bonheur. Auprès de ma famille, elle trouvera vite d’autres liens. Celle qu’elle nomme affectueusement nounou ne sera dans quelques mois qu’un simple souvenir, pour elle comme pour moi.
    Étrange journée en vérité. Je me sens libre. Libre de vivre enfin ce qu’il fallait taire. Libre de rire ou de pleurer. Libre d’aimer à nouveau. J’aurai d’autres enfants d’un autre homme. Je serai heureuse. C’est cela l’ordre des choses. Que François de Chazeron aille au diable ! »
     
    On cogna à la porte et Antoinette referma son livre d’heures sous le rayon de soleil qui tombait de la fenêtre sur son écritoire.
    — Entrez, autorisa-t-elle d’une voix joyeuse.
    Car de fait, il y avait longtemps qu’elle ne l’avait été à ce point. Blanche, sa nouvelle chambrière, apparut dans l’encadrement, les yeux rougis. Elle tremblait et tordait un mouchoir en tous sens.
    — Eh bien, eh bien ! commença Antoinette en découvrant pareil spectacle. Il ne faut pas te mettre en cet état, voyons. Je pars certes, mais tu demeures à mon service et pourras, je te l’assure, rendre fréquemment visite aux tiens !
    — Je sais bien, ma dame. Je sais bien.
    La jouvencelle était visiblement fort embarrassée.
    — Ce n’est pas là l’objet de mon tourment. Oh non !
    — Alors qu’est-ce ?
    Antoinette s’avança vers elle et essuya d’un élan maternel une larme qui ruisselait sur sa joue.
    — C’est Antoinette-Marie, ma dame.
    — Quoi, Antoinette-Marie ?
    — Elle a disparu, ma dame.
    Son geste se figea l’espace d’une seconde, puis Antoinette éclata de
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