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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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silence.

IV
    La ferme de Ségala
    Yvette se retrouva sur le chemin, le bâton à la main, derrière une dizaine de vaches qui marchaient pesamment à la queue-leu-leu et se dirigeaient, de mémoire, vers un champ clôturé de haies.
    Le chien, un bâtard aux poils rêches, avait refusé tout net de suivre cette inconnue et s’était éloigné la queue basse, l’air inquiet, l’œil hostile.
    «  Dire que j ’ avais juré de ne jamais refaire ce travail  ! » songeait-elle en avançant au pas des bestiaux ; «  enfin , souhaitons que ce ne soit que provisoire . »
    Elle poussa les vaches dans le champ et elles s’attaquèrent tout de suite à l’herbe odorante. Yvette s’assit alors près de l’entrée, regardant, sans le voir, le paysage familier.
    Le ciel était d’un bleu limpide. Des milliers de mouches y tourbillonnaient en un ballet sans fin. L’air portait tout le poids des senteurs de l’été commençant.
    L’odeur entêtante des ajoncs incitait à la somnolence et les stridulations monotones des grillons noyaient tous les bruits à des lieues à la ronde.
    Peu à peu, ce calme et cette paix l’apaisèrent et, pour la première fois depuis bien longtemps, la lourde chape d’angoisse qui la submergeait relâcha son étreinte… Un chant de clochettes monta du chemin ; elle se leva, curieuse. Qui serait le premier villageois qu’elle rencontrerait ? Allait-il la reconnaître ?
    Deux vaches avançaient d’un pas lourd. Un chien, le poil hérissé, vint aboyer à ses pieds tout en la contournant avec inquiétude. Le troupeau passa puis disparut derrière un mur de buissons mais personne n’apparut à leur suite.
    Enfin, un long moment après, un bruit de pas annonça l’arrivée d’un grand corps maigre ployé sur un bâton noueux. Un vieux béret basque que la crasse rongeait en son milieu recouvrait une tête bosselée qui paraissait chauve.
    Yvette reconnut tout de suite Camille Bardin. Lui, au moins, n’avait pas changé. Il était peut-être un peu plus courbé, mais quand il passa près d’elle et leva ses yeux fatigués aux paupières ourlées de rouge, elle se sentit reportée vingt ans en arrière, au temps où, petite fille, il lui fabriquait des moulins avec son couteau…
    « Qua sios-tu ? » demanda-t-il, en chassant de son bâton, le chien qui, enhardi par la présence de son maître, aboyait de plus belle.
    « Yvette Martin.
    — Ah, la petite !… » Il plissa les yeux et rêva tout haut : « Comme tu ressembles à Sophie ! Comme tu ressembles à ta grand-mère ! » Elle se sentit très émue d’entendre évoquer cette grand-mère qu’elle aimait tant Et, pour la première fois depuis son retour, elle sentit des larmes prêtes à couler.
    « Hé bien, tu es revenue, constata le vieux, ce qu’elle serait heureuse, la pauvre, si elle pouvait te voir ici ! Elle s’en est fait un sang d’encre pour toi… Et elle en a égrené des chapelets !… »
    Comme Yvette ne disait rien, il demanda :
    « Et tu vas rester, maintenant ?
    — Je ne sais pas », répondit-elle.
    En fait, c’était vrai, pourrait-elle rester longtemps ? Elle l’ignorait. Elle haussa les épaules, étonnée de ne s’être pas encore posée la question.
    Camille jeta un regard à ses vaches qui paissaient tranquillement, séparées de celles d’Yvette par une haie seulement. Il les surveilla un moment, attentif à leur façon de manger, puis revint vers la jeune fille et la fit parler de Paris. Il y avait passé quelques années, autre fois, et revivait sa jeunesse en évoquant cette courte période de sa vie.
    Il parla le premier de l’agrandissement de la ferme
    « Tu sais que tes parents ont acheté du bien ?
    — Oui, ma mère me l’a dit ce matin… J’ai été surprise que Ségala ait vendu.
    — Hé oui, ce n’était pas un mauvais bougre. Il avait fait, peut-être, un peu de marché noir… Mais il n’était pas le seul !
    — Alors, pourquoi est-il parti ? coupa Yvette qui sentait comme un malaise peser, tout à coup, sur la conversation.
    — Pourquoi ? Pourquoi ? s’exclama-t-il en levant les bras au ciel, est-ce que je sais, moi… Peut-être qu’il en gênait certains… »
    Appuyé sur son bâton, sans hausser le ton, d’une voix monocorde, il continua :
    « … Tu sais, petite, la guerre est une drôle de période… Les gens deviennent encore plus méchants que ce qu’ils sont d’habitude. Il y en a qui se battent et d’autres qui
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