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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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rappela fâcheusement celle de la petite salle du bistrot de deuxième zone où elle avait échoué en arrivant à Paris. Une salle enfumée que le soleil ne daignait jamais visiter, une cuisine crasseuse et, surtout, l’éternelle bassine de cuivre où, du soir au matin et de midi à sept heures, elle trempait les mains dans une eau graisseuse qui lui noircissait les ongles.
    Le souvenir de cette gargote lui souleva le cœur. Elle serra les dents et pensa : «  Non , il faut que je tienne , il faut que je me fasse oublier … Ici , ce sera facile . Personne ne peut savoir ce qui s ’ est passé à Paris … À moins que cet homme du train … » Elle n’acheva pas son long monologue car la porte venait de s’ouvrir et l’inconnu entrait.
    Elle ne pensa plus à rien, baissa les yeux vers la tasse que le serveur apportait et tourna, lentement, la cuillère en un geste machinal.
    L’homme ne sembla pas la remarquer ; il s’accouda au bar et, quand le garçon se tourna vers lui, le torchon sur l’épaule, il l’interrogea pendant un long moment. L’autre réfléchit puis s’approcha de la porte vitrée et lui indiqua, avec force gestes, ce qui paraissait être un itinéraire.
    Et il disparut dans la nuit, maintenant totalement tombée.
    Jacques, qui depuis quelque temps discutait avec une bande de jeunes, s’avança vers elle :
    « Ça te dirait, de partir à moto ?
    — À moto ?
    — Oui, il y a Robert et Jean qui partent. Ils passent juste au fond du village et ils nous prendraient… »
    Elle ne répondit pas. Elle ne pouvait avouer à Jacques qu’elle n’avait jamais enfourché une moto. Mais elle regarda ses pieds chaussés de délicats escarpins avec leurs talons aiguilles.
    Pourrait-elle traverser le causse avec ces chaussures ?
    Elle s’approcha. Jacques fit les présentations : « Robert Janvier, Jean Lacroix… Ma sœur Yvette. »
    Elle serra des mains calleuses et surprit le regard mi-étonné, mi-admiratif des deux garçons.
    Caser fille et valise sur des motos où scintillaient des taches de cambouis, ne fut pas chose facile. Tant bien que mal, on y parvint, et, dans un bruit d’enfer, les engins pétaradèrent et partirent vers le village.

III
    La boîte mystérieuse
    Tout le monde était couché à son arrivée. La maison ressemblait à une masse noire dans la nuit.
    « Tu comprends, s’excusa Jacques, on fait les foins et ils sont fatigués… Il faut te dire que notre propriété s’est agrandie depuis que tu es partie. Ce n’est pas le travail qui manque. »
    Il s’arrêta puis ajouta lentement, comme s’il avait peur de ses réactions :
    « Et, maintenant que tu es là, tu pourras sûrement nous donner un coup de main. »
    Yvette ne répondit pas. Elle regardait la cuisine, salle commune, d’un œil curieux. Les pavés irréguliers du sol avaient été rejointés. Les murs étaient peints en bleu et, par-dessus cette couleur, on avait rajouté, en quinconce, d’affreux tampons ton sur ton qui ressemblaient à des roses échevelées. Ces dessins lui rappelaient des araignées géantes et lui inspiraient un dégoût profond pour cette peinture carnavalesque. Oh, combien elle regrettait le simple badigeon à la chaux qu’il y avait autrefois…
    Jacques expliqua candidement :
    « C’est moi qui l’ai peinte ! C’est tellement à la mode. »
    Elle se tut et lorgna la cuisinière dans l’espoir que l’on aurait laissé, pour elle, une écuelle de soupe ; elle ne vit rien nulle part.
    « Je pourrais peut-être manger ? » soupira-t-elle en s’approchant du vieux placard qui se cachait dans les profondeurs d’un mur.
    Jacques haussa les épaules.
    « Tu es chez toi, fais ce que tu veux. Tu trouveras ta chambre toute seule, c’est la même qu’autrefois. Moi, je vais dormir. Bonne nuit ! »
    Elle soupa d’une tranche de pain et d’un morceau de fromage, tout en examinant la pièce.
    À part l’horrible peinture, rien ne paraissait avoir changé.
    Pourtant, une certaine aisance cossue et tranquille se dégageait de cette salle et cela n’existait pas autrefois.
    Elle chercha pourquoi sans en trouver la cause : peut-être les nouveaux rideaux, ou les quelques bibelots qui adoucissaient l’austérité sévère des meubles sombres.
    Elle regarda le plafond aux poutres patinées et pensa tout haut : «  Après tout , pourquoi ne m ’ habituerais-je pas à cette vie  ? » Cette idée la troubla, elle haussa les épaules et monta dans sa
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