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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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indéfrisable, portait encore les marques des ciseaux de la honte.
    Peut-être que là-bas, pensa-t-elle, on ne devinerait pas ce qui s’était passé.
    Elle retourna vers le lent déroulement de ses souvenirs… Mais que savait-elle de ces gens, sa seule famille ? Ils étaient devenus pour elle, depuis dix ans, de véritables étrangers. De toute façon, ils vivaient dans une région sauvage où il ne se passait jamais rien et où seul le travail comptait.
    Pourtant, ils avaient vécu la guerre et ses restrictions : le père l’avait assez dit dans ses lettres !… Mais, elle les connaissait, ils aimaient se plaindre et elle ne pouvait imaginer que leur vie ait été aussi terrible qu’à Paris.
    Ils avaient regardé défiler les soldats, mais elle était sûre qu’ils ne s’étaient pas départis d’une hautaine neutralité, elle les connaissait trop bien !
    La mère, ou plutôt l’épouse de son père qui l’avait élevée car sa mère était morte à sa naissance, toujours aux aguets derrière sa fenêtre, savait tout mais ne prenait jamais de décisions, laissant au père cette illusion.
    Elle racontait, scandalisée, les secrets qu’elle avait pu surprendre, formulant, des hypothèses si elle manquait de preuves.
    Elle trouvait les solutions à proposer, mais ne les exposait jamais : son mari se chargeait de cette tâche. Elle le persuadait si bien qu’il croyait dur comme fer que toutes les idées de sa femme, c’était lui qui les avait eues le premier !
    Elle, ses maigres cheveux striés de gris tirés en un chignon court et anémié, son petit visage chafouin où ne passait aucune expression, lui donnaient un air de souris maladive. Elle levait un instant des yeux d’une couleur indéfinie, tirant sur le jaune, les posait sur son interlocuteur, puis les baissait subitement, regardant le sol tant que durait l’entretien.
    Clémence, c’était son nom, louvoyait sans cesse, ne prenant jamais parti entre son mari et sa belle-mère qui avait mis des années à comprendre son manège… Trop tard, hélas !… Quand elle avait enfin ouvert les yeux, la pauvre vieille s’était retrouvée isolée, étrangère dans sa propre maison, exclue de toutes les commandes de la ferme ; son fils, lui-même, lui avait expliqué, un peu gêné tout de même, qu’on ne la tolérait que parce que sa femme, une sainte, insistait pour qu’il en fût ainsi.
    « Et pourtant », soupirait tristement la pauvre femme, une larme sèche au fond de ses yeux enflammés. « la maison, elle est à moi… Et lui, il était si gentil avant ! »
    Son fils ne se posait pas de questions : le travail commandait, il travaillait. Il travaillait à en être abruti…
    Le soir, en mangeant la soupe d’orge, il écoutait les doléances de sa femme et partait aussitôt en guerre contre le voisin qui avait coupé l’eau du champ ; contre l’ami qui n’avait pas voté pour lui aux dernières élections ; contre sa mère qui favorisait ses autres enfants ; contre le curé ; contre le maire ; contre tous enfin… Il partait en violences verbales qui dégénéraient en conflits le lendemain matin.
    Il était le maître, à lui de régler toutes les histoires qui pouvaient survenir au long des jours ! Il savait quelle attitude prendre ; sa femme le lui avait si bien expliqué !…
    Toute sa vie, Yvette avait assisté à ces scènes continuelles qui avaient brouillé sa famille avec plus de la moitié du village. Elle revoyait son père fanfaronnant, n’écoutant personne et la mère, les bras au ciel, essayant vainement de le calmer tout en cachant mal une jubilation féroce.
    De toute la famille, elle n’aimait que sa grand-mère tendre et naïve qui la soutenait contre les insinuations de sa terrible belle-mère. Son frère Jacques, le préféré, pouvait faire tout ce qu’il voulait. Personne ne lui reprochait jamais rien, mais elle, elle devait « filer droit », comme disait son père, sinon les coups pleuvaient.
    Une chance qu’elle travaillât bien à l’école, cela lui avait permis, à quinze ans, sitôt son certificat d’études passé, de quitter la maison où elle se sentait de plus en plus étrangère…
    Elle remonta le foulard sur sa tête et revint prendre sa place dans le compartiment. L’homme à la gabardine lisait toujours, et pourtant son livre paraissait être à la même page !… Elle l’observa attentivement et eut l’impression qu’il était lui aussi aux abois. Et si elle
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