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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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l’inconnu et sentit, au passage, le regard profond et perdu de deux yeux de velours noir.
    Elle scruta la gare déserte mais n’aperçut personne de sa connaissance. Elle avait pourtant annoncé son arrivée ; son père avait-il oublié de venir l’attendre ?
    Elle traversa la minuscule salle d’attente et se trouva sur une place encombrée de camions chargés de bois. Elle les regarda interdite : dans un coin, une voiture, le capot relevé, lançait un rugissement assourdissant. Une pluie d’étincelles jaillissait du moteur et une fumée noire et malodorante s’élevait dans une longue plainte grinçante.
    Quelques garçons, penchés en avant, les mains luisantes de cambouis, examinaient l’engin et discutaient fort pour en couvrir le bruit.
    Elle saisit sa valise et se décida à partir malgré la nuit tombante. Elle avait encore cinq ou six kilomètres pour arriver à la maison. Elle avait oublié, qu’ici, les taxis n’existaient que pour les riches ; les pauvres, eux, allaient à pied. Si sa belle-mère l’avait vue revenir en taxi, elle en aurait eu une attaque !
    Elle devait donc gravir le sentier, traverser le causse et redescendre jusqu’au village niché au creux de la vallée. En soupirant, elle avança d’un bon pas regardant le bar illuminé où s’attardaient encore quelques clients.
    Tout à coup, elle entendit courir derrière elle, tandis qu’une voix inconnue lui criait :
    « Yvette, Yvette, attends-moi ! »
    Elle serra la poignée de sa valise et se figea immobile, incapable de se retourner.
    Un long jeune homme maigre lui sauta au cou en riant :
    « Eh bien ! On ne reconnaît plus son petit frère, maintenant ! Moi, je t’aurais reconnue tout de suite, mais je regardais les types qui réparent cette bagnole, alors, je n’ai pas entendu le train !… »
    Clouée sur place, elle regardait ce grand dadais au sourire intimidé qui lui rappelait l’enfant grandi trop vite. Ces souvenirs lui faisaient monter les larmes aux yeux.
    « Jacques, toi ! balbutia-t-elle.
    — Mais oui, c’est moi… Tu m’avais oublié !
    — Non, mais tu n’étais qu’un enfant !
    — Presqu’un adolescent quand même ! répondit l’intéressé.
    — Ce que tu as grandi.
    — Dame, j’ai vingt et un ans… Mais toi, que tu es belle, s’exclama-t-il naïvement, on dirait une dame ! Tu es chic ! C’est si bien que ça à Paris ? »
    Elle ne répondit rien. D’autorité, il empoigna la valise et ils reprirent la route en silence, ne sachant plus que se dire.
    Ils suivirent une allée bordée de peupliers centenaires dont les feuilles frémissaient à la brise du soir. Une brume ouatée montait du Lot, la rivière toute proche. Les rares passants marchaient d’un pas pressé et, de temps en temps, des voitures aux phares éblouissants les éclaboussaient de lumière. La route s’étirait et, levant les yeux sur la montagne qui, du violet virait au noir, Yvette sentit revenir cette sourde angoisse qui ne la quittait plus que rarement.
    « Viens prendre un café », lui dit son frère en arrivant sur une place minuscule où un soldat montait éternellement la garde, sur un piédestal entouré de grilles rouillées.
    Il l’entraîna vers un bar qu’elle n’avait pas remarqué. Il la fit asseoir sur une banquette rouge d’où elle voyait toute la salle et se dirigea vers le comptoir.
    Elle se jeta sur la moleskine défraîchie et, en un éclair, comprit son erreur :
    Pourquoi était-elle revenue dans ce pays qu’elle avait fui depuis plus de dix ans ? Qu’était-elle venue chercher au milieu de ces inconnus. Car, ses parents et ses amis d’autrefois, elle les avait complètement oubliés pendant les années heureuses.
    Sa haine – non, le mot n’était pas trop fort – de cette vie médiocre, étriquée, entre les murs de la petite ferme, lui revenait en mémoire…
    … Ces vaches étiques qui se gorgeaient goulûment d’herbe nouvelle, au printemps… Ce lent cheminement, au pas lourd des bœufs, derrière la charrue… Ces noires médisances, au coin des chemins à l’abri des haies…
    Oh, comme elle l’avait détesté, ce mode de vie immuable !… Il suspendait le temps entre le berceau et la tombe…
    Et pourtant, aujourd’hui, elle était là. Elle était là à attendre un café qui ne venait pas et à regarder, sans la voir, une affiche jaunie à moitié décollée portant en grosses lettres : “À l’attention des mineurs”. Cette affiche lui
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