Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
n’était point hautain. Puis il réclama du vin
chaud pour lui et toute son escorte, d’une voix qui fit se retourner les
guetteurs sur les chemins de ronde.
    Depuis la veille, Bersumée s’était
préparé à briller, à se montrer le gouverneur parfait d’une forteresse sans
défaut, et à se conduire en sorte qu’on se souvînt de lui. Il avait même une
harangue toute prête ; elle lui resta dans la gorge pour jamais. Il
s’entendit bredouiller de pauvres flagorneries, se trouva invité à boire le vin
qu’on lui demandait et fut poussé vers les quatre pièces de son logement dont
les proportions lui parurent rapetissées. Jusque-là, Bersumée s’était toujours
jugé homme de belle taille ; devant ce visiteur, il se sentait nain.
    — Comment se portent les
prisonnières ? dit Robert d’Artois.
    — Fort bien, Monseigneur, elles
se portent fort bien, je vous en remercie, répondit Bersumée sottement, comme
si on lui demandait nouvelles de sa famille.
    Et il avala de travers le contenu de
son gobelet.
    Mais déjà Robert d’Artois sortait, à
grandes enjambées, et l’instant d’après Bersumée escaladait derrière lui
l’escalier de la tour où logeaient les recluses.
    Sur un signe, le sergent Lalaine,
dont les doigts tremblaient, tira les verrous.
    Marguerite et Blanche attendaient,
debout au milieu de la pièce ronde. Elles eurent le même mouvement instinctif
pour se rapprocher l’une de l’autre et se prendre la main.
    — Vous, mon cousin ! dit
Marguerite.
    D’Artois s’était arrêté dans
l’encadrement de la porte qu’il bouchait complètement. Il clignait des yeux.
Comme il ne répondait rien, tout occupé à contempler les deux femmes, Marguerite
reprit, la voix vite affermie :
    — Regardez-nous, oui,
regardez-nous bien ! Et voyez la misère où l’on nous a réduites. Cela doit
vous changer du spectacle de la cour, et du souvenir que vous aviez de nous.
Point de linge. Point de robes. Point de nourriture. Et point de siège à offrir
à un aussi gros seigneur que vous !
    « Savent-elles ? » se
demandait d’Artois en avançant lentement. « Savent-elles la part que j’ai
prise dans leur perte, et que c’est moi qui ai tendu le piège où elles sont
tombées ? »
    — Robert, est-ce notre
délivrance que vous nous apportez ? s’écria Blanche de Bourgogne.
    Elle venait vers le géant, les mains
tendues, les yeux brillants d’espérance.
    « Non, elles ne savent rien,
pensa d’Artois, et cela va rendre ma mission plus aisée. »
    Il se retourna d’un bloc.
    — Bersumée, dit-il, il n’y a
donc point de feu ici ?
    — Non, Monseigneur.
    — Qu’on en fasse ! Et
point de meubles ?
    — Non, Monseigneur ; les
ordres que j’avais…
    — Des meubles ! Qu’on ôte
ce grabat ! Qu’on mette un lit, des chaises à s’asseoir, des tentures, des
flambeaux. Ne me dis pas que tu n’as rien. J’ai vu ce qu’il faut dans ta
demeure.
    Il avait empoigné le capitaine par
le bras.
    — Et à manger, dit Marguerite.
Dites à notre bon gardien, qui nous fait servir une chère que les porcs laisseraient
au fond de leur auge, de nous bailler enfin un repas.
    — Et à manger, bien sûr,
Madame ! dit d’Artois. Des pâtés et des rôts. Des légumes frais. De bonnes
poires d’hiver et des confitures. Et du vin, Bersumée, beaucoup de vin !
    — Mais, Monseigneur… gémit le
capitaine.
    — Tu m’as compris, je t’en sais
gré ! dit d’Artois en le poussant dehors.
    Il claqua l’huis d’un coup de botte.
    — Mes bonnes cousines,
reprit-il, je m’attendais au pire, en vérité. Mais je vois avec soulagement que
ce triste séjour n’aura point entamé les deux plus beaux visages de France.
    — Nous nous lavons encore, dit
Marguerite. Nous avons de l’eau à suffisance.
    D’Artois s’était assis sur
l’escabeau et continuait d’observer les prisonnières. « Ah ! mes
oiselles, se chantait-il intérieurement, voilà ce qu’il en est d’avoir voulu se
tailler des parures de reines dans l’héritage de Robert d’Artois ! »
Il essayait de deviner si, sous la bure de leurs robes, les corps des deux
jeunes femmes avaient perdu leurs belles courbes de naguère. Il était pareil à
un gros chat s’apprêtant à jouer avec des souris en cage.
    — Marguerite, demanda-t-il, en
quel point sont vos cheveux ? Sont-ils bien fournis à nouveau ?
    Marguerite de Bourgogne sursauta
comme sous une piqûre.
    — Debout, Monseigneur
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher