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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée
Autoren: Maurice Druon
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éviter
d’avoir à discuter davantage.
    — C’est un chien, s’écria
Marguerite lorsqu’il eut disparu, un chien de garde qui n’est bon qu’à aboyer
et à mordre.
    Elle avait fait une fausse manœuvre
et rageait en parcourant la chambre ronde.
    Bersumée, de son côté, n’était guère
plus satisfait. « Il faut s’attendre à tout, quand on est le geôlier d’une
reine », se disait-il. Or s’attendre à tout, pour un soldat de métier,
c’est d’abord s’attendre à une inspection.
     

II

MONSEIGNEUR ROBERT D’ARTOIS
    La neige fondante s’égouttait des
toits. Partout on balayait, partout on fourbissait. Le logis de garde
retentissait de grandes claques d’eau jetée par seaux sur le dallage. On
graissait les chaînes du pont-levis. On sortait les fourneaux à faire bouillir
la poix, comme si la citadelle allait être attaquée sur l’heure. Depuis Richard
Cœur de Lion, Château-Gaillard n’avait pas connu pareil branle-bas.
    Redoutant une visite impromptue, le
capitaine Bersumée avait décidé de mettre sa garnison sur pied de parade. Les
poings aux hanches et le gueuloir ouvert, il parcourait le casernement,
s’emportait devant les épluchures qui souillaient les cuisines, montrait d’un
menton furieux les toiles d’araignées qui pendaient des poutres, se faisait
présenter les équipements. Tel archer avait perdu son carquois. Où était-il, ce
carquois ? Et ces cottes de mailles rouillées aux emmanchures ?
Allez, qu’on prenne du sable à pleines mains, et qu’on frotte, et que cela
brille !
    — Si messire de Pareilles vient
à nous tomber sur le dos, hurlait Bersumée, je ne tiens point à lui montrer une
troupe de mendiants ! Mouvez-vous !
    Et malheur à qui ne courait pas
assez vite ! Le soldat Gros-Guillaume, celui qui espérait une ration de
vin supplémentaire, prit un bon coup de pied dans les tibias. Le sergent
Lalaine était exténué.
    À piétiner la boue neigeuse, les
hommes rapportaient dans les bâtiments autant de saleté qu’ils en ôtaient. Les
portes battaient ; Château-Gaillard ressemblait à une maison qu’on
déménage. Si les princesses avaient voulu s’évader, c’eût été le moment à
choisir entre tous.
    Au soir Bersumée n’avait plus de
voix, et ses archers somnolaient sur les créneaux.
    Mais quand le surlendemain, aux
premières heures de la matinée, les guetteurs aperçurent dans le paysage blanc,
le long de la Seine, une troupe de cavaliers qui approchait bannière en tête,
sur la route de Paris, le capitaine de forteresse se félicita des dispositions
qu’il avait prises.
    Il enfila rapidement sa meilleure
cotte de mailles, noua sur ses bottes des éperons longs de trois pouces, se
coiffa de son chapeau de fer et sortit dans la cour. Il eut quelques instants
pour regarder, avec une satisfaction inquiète, la garnison alignée dont les
armes luisaient dans la lumière laiteuse de l’hiver.
    « Au moins, on ne pourra point
me reprendre sur le chapitre de l’ordonnance, se dit-il. Et cela me rendra plus
fort pour me plaindre de la maigreur de ma solde, et des retards qu’on met à me
bailler l’argent avec lequel je dois nourrir mes gens. »
    Déjà les trompettes sonnaient au
pied de la falaise, et l’on entendait les sabots des chevaux frapper le sol
crayeux.
    — Les herses ! Le
pont !
    Les chaînes du pont-levis
tremblèrent dans leurs glissières et, une minute plus tard, quinze écuyers aux
armes royales, entourant un grand cavalier rouge posé sur sa monture comme s’il
figurait sa propre statue équestre, franchissaient en trombe la voûte du corps
de garde et débouchaient dans la seconde enceinte de Château-Gaillard.
    « Est-ce le nouveau roi ?
pensa Bersumée en se précipitant. Seigneur ! Est-ce déjà le roi qui vient
chercher sa femme ? »
    Son souffle était tranché par
l’émotion. Il fut un moment avant de pouvoir distinguer clairement l’homme au
manteau sang de bœuf qui avait mis pied à terre et, colosse de drap, de
fourrure, de cuir et d’argent, se fendait un chemin parmi les écuyers. Une
large buée fumante montait du poil des chevaux.
    — Service du roi ! dit
l’immense cavalier en agitant sous le nez de Bersumée, sans lui laisser le
temps de lire, un parchemin auquel pendait un sceau. Je suis le comte Robert
d’Artois.
    Les salutations furent brèves.
Monseigneur Robert d’Artois fit fléchir Bersumée en lui posant la main sur
l’épaule afin de marquer qu’il
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