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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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Elle voulait que mon prénom soit Thomas, en hommage à son père. Rien de très original, disait-elle, mais néanmoins assez subtil.
    Dès les premières contractions, elle opposa à mon père une véritable résistance, qui consistait à me retenir hors du monde jusqu’à ce qu’il accepte un compromis. Dans un moment de faiblesse plus que par manque d’inspiration, ils s’accordèrent sur Thomas Corelli Sullivan. Ma mère espérait que, coincée entre mon nom et mon prénom, cette fantaisie paternelle passerait inaperçue. Lui, qui croyait au poids des mots, aimait à répéter que Corelli sans Arcangelo, c’était comme un Stradivarius sans ses cordes. S’il avait fini par céder à ma mère, c’est que l’enjeu revêtait beaucoup plus d’importance qu’elle ne le soupçonnait. Cette résistance, disait-il en souriant, menaçait de se propager à la chambre à coucher. Mon père appartenait à cette race d’hommes pour qui un pacte noué dans la passion excusait toutes les erreurs de jugement.
    Quelques semaines après notre rencontre, j’avais révélé à Paul ma théorie sur le temps et l’aérographe, et bien plus encore.
    — Tu as raison, avait-il remarqué. Ce qui prouve que le temps n’est pas Léonard de Vinci.
    Il avait réfléchi un instant avant d’ajouter avec un sourire :
    — Pas même Rembrandt. Jackson Pollock, tout au plus.
    Depuis le début, il m’avait compris.
    Tous les trois me comprenaient : Paul, Charlie et Gil.

Chapitre 2
    Nous sommes plantés au-dessus de la bouche d’égout, devant le gymnase Dillon, dans la partie sud du campus. Sur le bonnet de Charlie, le badge décousu des Philadelphia 76 claque au vent. Dans le halo orange de l’ampoule du réverbère, des milliers de flocons de neige tourbillonnent au-dessus de nos têtes.
    Nous attendons. Charlie s’impatiente : la présence de deux étudiantes de l’autre côté de la rue nous empêche de glisser dans les tunnels. Trop risqué.
    — Maintenant, on fait quoi ?
    Il est 19 h 07, indique Charlie en consultant sa montre. Le changement de quart est à 19 h 30. Ça nous laisse vingt-trois minutes avant l’arrivée des proctors.
    — Vingt minutes nous suffiront ?
    — Bien sûr. À condition de savoir où ils se trouvent.
    Charlie regarde de l’autre côté de la rue.
    — Du vent, les filles ! marmonne-t-il à l’adresse des étudiantes.
    L’une d’elles arbore une jupe légère comme si la neige l’avait surprise en pleine séance d’habillage. L’autre, une jeune Péruvienne que j’ai croisée pendant des compétitions sportives, porte la traditionnelle parka orange de l’équipe de natation de Princeton.
    — Merde, j’ai oublié d’appeler Katie ! C’est son anniversaire aujourd’hui. Je dois passer chez elle ce soir.
    Katie Marchand est ma petite amie, une étudiante de deuxième année que je ne méritais pas de rencontrer. Elle occupe une place importante dans ma vie et Charlie accepte cette fatalité en se disant que les femmes intelligentes ont souvent mauvais goût en matière de mecs.
    — Tu lui as trouvé un cadeau ?
    — Oui, dis-je en dessinant un rectangle avec les mains, une photo de cette galerie d’art dans le…
    — Alors, ça va si tu n’appelles pas, commente-t-il avec une sorte de gloussement. De toute façon, elle a sûrement d’autres chats à fouetter en ce moment.
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
    Charlie tend la main et attrape un flocon.
    La première neige de l’année. Les JO nus.
    — Merde ! J’avais oublié !
    Les JO nus, une des traditions les plus populaires de Princeton. Tous les ans, les étudiants de deuxième année se rassemblent dans la cour de Holder Hall la nuit qui suit la première chute de neige. Sous les yeux amusés de leurs condisciples, collés aux fenêtres des chambres, les deuxième année se déshabillent avec l’héroïsme inconscient des lemmings, et se lancent dans une course effrénée sur le campus, nus comme des vers. Cette tradition remonte à l’époque où Princeton était réservé à la gent masculine. La nudité était alors l’expression d’une prérogative mâle, comme uriner debout ou faire la guerre. Mais quand les femmes se sont jointes au troupeau, cette joyeuse mêlée est devenue l’événement le plus couru de l’année, repris systématiquement par les chaînes de télé de Philadelphie ou de New York.
    — Prêt ? demande Charlie après que les deux filles se sont enfin décidées
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