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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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au rez-de-chaussée.
    Pendant une seconde, il n’y a plus rien. Puis le verre atterrit sur un tas de chiffons imbibés de whisky, de cognac et de gin, et c’est tout le sol qui s’anime. Le rez-de-chaussée palpite, le bois brûle, la flambée se répand. La porte principale est déjà inaccessible. Gil hurle dans son portable, appelle à l’aide. L’incendie gagne le deuxième étage. Mon cerveau crépite, tout devient blanc quand je ferme les yeux. Je flotte, porté par la chaleur. Tout semble si lent, si lourd. Des morceaux de plâtre du plafond s’écrasent sur le sol. La piste de danse vibre comme dans un mirage.
    — Comment sortir ? hurlé-je.
    — L’escalier de service ! répond Gil Là-haut !
    — Paul ! m’écrié-je.
    Pas de réponse. J’avance vers les marches, et même leurs voix ont disparu. Paul et Curry sont partis.
    —  Paul ! répété-je.
    Le feu a avalé le bureau de direction et nous menace dangereusement. J’éprouve une étrange sensation d’engourdissement dans la cuisse. Gil tend la main vers moi. Je suis blessé, mon pantalon est déchiré, le sang coule sur le tissu du smoking, noir sur noir. Gil retire sa veste et essaie de me la nouer sur l’entaille. Un tunnel de flammes nous encercle et précipite notre fuite dans l’escalier. L’air est noir de suie.
    Gil me pousse vers le deuxième étage. Là-haut, nous sommes entourés d’ombres et de gris. Un rai de lumière brille sous une porte au fond du couloir. Nous avançons. Le feu a déjà gagné le bas de l’escalier, mais semble s’être calmé.
    Puis je l’entends. Un bruit effroyable, comme un édifice qui s’écroule, s’élève de l’intérieur de la pièce.
    Gil se jette sur la porte. Quand elle s’ouvre, cette sensation d’ivresse que j’ai éprouvée durant le bail remonte. Une chaleur intense, pareille au frisson d’un envol. Les mains de Katie sur mon corps, le souffle de Katie sur ma peau, les lèvres de Katie sur ma bouche.
    Paul et Richard Curry s’affrontent au fond de la pièce, debout derrière une longue table. Curry a une bouteille vide à la main. Sa tête est penchée sur son épaule et du sang coule à flots. De forts effluves d’alcool imprègnent l’atmosphère : une bouteille s’est déversée sur la table ; dans le mur, un petit placard secret s’ouvre sur la réserve personnelle du président de l’Ivy Club. La pièce, qui occupe toute la largeur de l’immeuble, semble emprisonnée par l’éclat de la lune dans un cadre d’argent. Des étagères de livres reliés de cuir s’alignent derrière la tête de Curry. Deux fenêtres percent le mur qui donne au nord. Des flaques rayonnent un peu partout.
    — Paul ! hurle Gil. Il bloque l’escalier de service derrière toi.
    Paul se retourne, mais Curry n’a d’yeux que pour nous. Sa vue me paralyse. Les traits de son visage sont tellement tirés qu’il semble aspiré par la gravité vers le sol.
    — Richard, décrète Paul d’un ton ferme comme s’il s’adressait à un enfant, nous allons tous sortir d’ici.
    — Éloignez-vous ! ordonne Gil en s’avançant.
    Curry fait exploser sa bouteille sur la table et s’élance sur Gil, le goulot tranchant à la main. Il semble à peine lui frôler le bras, mais Gil est blessé. De longs rubans de sang noir coulent entre ses doigts. Il recule, sonné, et Paul s’affaisse contre le mur.
    — Tiens, dis-je en sortant un mouchoir de ma poche.
    Gil se déplace lentement. Quand il tend la main pour prendre le mouchoir, je mesure la profondeur de l’entaille. Le sang s’en échappe dès qu’il cesse d’appuyer dessus.
    — Vas-y ! dis-je en le poussant vers la fenêtre. Saute ! Les buissons amortiront ta chute.
    Mais il ne bouge pas, hypnotisé par le goulot que brandit encore Curry. La porte de la bibliothèque gronde sur ses charnières. De l’autre côté, l’air chaud s’accumule. Des vrilles de fumée filtrent sous la porte et j’ai les yeux qui pleurent, la poitrine oppressée.
    — Paul ! crié-je à travers la fumée. Il faut que tu sortes !
    — Richard ! hurle Paul. Venez !
    — Lâchez-le ! ordonné-je à Curry.
    Le feu rugit. Une explosion survient derrière la porte, le bois s’effondre sous son propre poids.
    Soudain Gil s’affaisse au pied du mur. Je le soulève pour l’appuyer au montant de la fenêtre, essayant de le maintenir debout.
    — Occupe-toi de Paul…, murmure Gil, avant que la vie commence à déserter ses yeux.
    Quand
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