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La Régente noire

Titel: La Régente noire
Autoren: Franck Ferrand
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don que j’ai reçu du Ciel, et qui me fait saisir l’avenir au fond des miroirs...
    Elle approuva d’un battement de cils. L’imminence du bain des enfants royaux ajoutait à son impatience. Car outre son service de dame d’honneur de la reine, il lui revenait souvent de veiller elle-même à ces ablutions princières. Cela soulageait un peu les gouvernantes en titre.
    Le bonhomme approcha deux caquetoires de bois sombre incrusté de nacre, et pria la grande sénéchale de s’asseoir face à lui. Elle ne se fit pas prier.
    — J’ai peu de temps, dit-elle en rajustant des manchons bouffants, de drap de soie violet à frisure d’argent.
    Le marchand extirpa de sa besace un carreau de glace irrégulier, sans cadre, qu’il plaça au centre du velours presque noir. Diane observait.
    — Parle-moi de mes enfants, dit-elle. N’est-ce pas à l’enfance qu’appartient l’avenir ?
    — Vos enfants... Si, bene , des filles, n’est-ce pas ? J’en vois deux...
    Diane sourit ; elle avait bien donné deux fillettes au sénéchal de Brézé. L’aînée, Françoise, avait trois ans révolus quand la cadette, Louise, était encore au berceau. Les deux sœurs résidaient au vieux manoir d’Anet, dans le Vexin normand, où leur gouvernante veillait sur elles comme Diane veillait sur les enfants de la reine Claude.
    Le mage prophétisait.
    — Soyez tranquille : toutes deux vivront... Elles feront de bons mariages... Certo ... Je vois les époux... Beaux guerriers... Elles auront des enfants et vous serez... bonne-maman !
    Les gloussements du marchand furent sans écho : cet oracle bonasse avait déçu la dame d’honneur. Lors de sa propre naissance, une vieille Dioise n’avait-elle pas affirmé que l’étoile de Diane devait la conduire haut, très haut, plus haut peut-être qu’aucune reine ? À cette aune, les visions du Vénitien paraissaient bien terre à terre.
    Diane approcha son visage doux et lisse de la face tavelée du marchand ; elle allait lui donner une chance de se rattraper.
    — Parle-moi donc du roi, dit-elle.
    Le bonhomme détacha les yeux de sa glace.
    — Le roi ?
    — Notre sire François. Le vois-tu vivre longtemps ?
    — Eh bien... C’est-à-dire... Je pense qu’il devrait vivre, disons... Un peu plus d’un demi-siècle.
    Diane pencha la tête et, d’un doigt délicat, effleura son cou de cygne. Le regard qu’elle lança au marchand brillait d’intelligence.
    — Fort bien. À présent, parle-moi de son successeur.
    — Son successeur ?
    — Le prochain roi de France !
    — À ce qu’il me paraît, celui-là devrait vivre, disons... Un peu moins longtemps. Une quarantaine d’années, peut-être...
    — D’accord. Est-ce que tu vois son visage ?
    — Ma foi... Je puis le deviner.
    — Décris-le-moi !
    — Attesa 1  ! Ces choses-là prennent du temps...
    — Je n’en ai point.
    Le mage se concentra.
    — Je vois un visage long, pâle ; un peu triste sans doute...
    — Mais encore ?
    Ce fut au tour du voyant de soupirer : la jeune dame exigeait de lui bien plus que ses clientes habituelles.
    — Le front est beau, les yeux noirs, assez vifs...
    — Tu ne me comprends pas. Ce que je veux savoir, c’est si ce roi futur possède quelque trait singulier qui le distinguerait des autres : une tache de vin, les doigts palmés, que sais-je ?
    — Non, je ne vois rien de tel. À moins...
    Le marchand rougit et tourna vers la dame d’honneur une mine éplorée. Elle voulut savoir.
    — À moins ?
    — C’est une chose délicate à dire à une dame, confessa-t-il.
    — Dis-moi, dis-moi vite ! Je puis tout entendre.
    — Mais...
    — Allons !
    — Eh bien, lâcha le vieil homme un peu affolé, c’est le membre du prochain roi – je veux dire : son membre viril – qui me paraît mal conformé.
    Elle transperça le Vénitien du regard. Il poursuivait.
    — L’orifice est placé, comment dire, non pas au bout de la verge, mais au-dessous...
    Cette fois, les traits de la cliente s’étaient figés. L’autre paraissait au supplice.
    — Que madame me pardonne...
    — Au contraire, mon ami ! Au contraire... Et les yeux noirs, dis-tu ?
    — Noirs comme le jais.
    Diane de Brézé rayonna. Elle saisit plusieurs petits miroirs qu’elle mit dans les mains du marchand, puis s’en vint rouvrir le battant de la porte. Les vapeurs du bain s’engouffrèrent de plus belle, accompagnées d’un joyeux tapage. Les cheveux dorés et bouclés d’un archange s’encadrèrent
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