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La Régente noire

Titel: La Régente noire
Autoren: Franck Ferrand
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d’Alençon, vous vous trompez.
    Antoine Duprat ne répondit pas ; mais un prince plus avisé que le beau-frère du roi aurait pu déceler, dans son silence, l’amertume de s’être offert en ridicule.
    — Mon cher, vous n’êtes pas comme saint François : vous n’entendez rien aux oiseaux !
    L’auteur de cette impertinence était le seigneur de Bonnivet, amiral de France et confident du monarque. Le chancelier esquissa, par complaisance, un sourire contraint.
    Avec la mauvaise saison, revenait chaque année la revanche des fauconniers sur les veneurs. Les quelque cinquante gentilshommes qui, à la Cour, servaient sous M. de Cossé, menaient un équipage de plusieurs centaines d’oiseaux de haut et bas vol  7 . Rien n’était somptueux comme leur train de centaures ailés, fortes bottes, robes de feutre et chapeaux emplumés – les dames en parure de chasse sur leurs haquenées.
    Le chancelier Duprat, bourgeois s’il en fut, n’était guère à sa place parmi de si grands seigneurs ; à près de soixante ans, il s’estimait de surcroît trop vieux pour monter encore... Mais puisqu’il avait accepté de suivre la chasse du duc d’Alençon, il se devait d’y faire bonne figure. L’homme était bedonnant, certes, les épaules rondes et le visage poupin ; mais la sévérité de son visage lui conférait un semblant de noblesse. Sans compter que la récente conférence de Calais  8 , où il avait, en pure perte, tenté de retarder la guerre, lui conférait un regain de prestige.
    Afin de prouver à l’amiral qu’il n’était pas vexé, le chancelier se fendit d’une platitude.
    — On dit partout que la prise de Fontarabie fait de vous le Du Guesclin de ce règne.
    — Taisez-vous donc ! tonna l’autre. Croyez-vous qu’il y ait matière à plastronner sur la Navarre ? Pour moi, je n’ai pu y faire oublier l’échec de nos armées...
    Duprat branla du chef.
    — Il est vrai qu’en Navarre comme dans le Milanais, les frères de Mme de Châteaubriant ont bien déçu nos attentes.
    — Il se peut, enchérit l’amiral, que nous ayons péché par excès de confiance en attaquant l’empereur sur trois fronts en même temps. Passe encore pour la Navarre et les Ardennes ; mais à Milan, notre échec met Sa Majesté dans une position intenable.
    Chevauchant devant eux, le duc d’Alençon semblait mettre un point d’honneur à ignorer cet échange. Il se concentrait sur la chasse, et agita bientôt un leurre afin de rappeler son gerfaut. Le prédateur finit par surgir dans un grand déplacement d’air. C’était un magnifique rapace aux plumes blanches mouchetées de noir... Le prince fit courtoisie  : il laissa le faucon molester un temps la proie sanglante à coups de becs aigus et rapides.
    L’amiral avait réglé son allure sur celle, un peu lente, du chancelier.
    — Pour en revenir à nos chefs, reprit-il en sourdine, leur mauvaise fortune a dû ravir le connétable.
    — Je n’ai aucune nouvelle de lui...
    — Vous pouvez néanmoins imaginer sa joie : Madame l’avait écarté de son commandement, or ceux qui le remplacent se sont couverts de honte !
    — Dois-je vous rappeler, monsieur, que nous avions tous approuvé sa mise à l’écart ?
    Antoine Duprat marchait sur des œufs : l’amiral aurait pu prêcher le faux dans l’intention de le piéger... En lui-même, il pestait d’avoir seulement offert à ce grand seigneur cette occasion de le prendre à témoin – lui, simple commis de l’État – des possibles bévues du roi et de sa mère.

    Des appels au secours, des craquements de branches, un martèlement de sabots, détournèrent soudain vers le sous-bois l’attention des chasseurs. Deux chevaux surgirent d’un boqueteau. Des coursiers noirs, massifs, montés à cru. Le premier portait un cavalier en mauvaise passe : bien jeune, le malheureux était couché en avant sur la monture, et n’y tenait que par une sorte de miracle. Criant au secours, un autre cavalier, jeune aussi, suivait à quelques encolures ; il poussait son propre coursier dans l’espoir de rattraper l’autre. Quand le premier cheval vint s’empêtrer dans l’équipage des chasseurs, plusieurs d’entre eux tentèrent de s’en saisir. Mais les embardées de l’animal, de même que ses cabrements, ne rendaient pas leur tâche aisée.
    C’est alors que le second cavalier, sautant de sa propre monture, enfourcha le cheval affolé et, malgré l’encombrement du blessé, parvint à
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