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La Régente noire

Titel: La Régente noire
Autoren: Franck Ferrand
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avons tout le temps...
    — Comment cela, tout le temps ? Mais j’ai crevé sous moi deux chevaux !
    Diane prit soin de bien fermer la porte ; elle dévisageait son père.
    — Avant toute chose, vous devez me promettre le secret sur ce que vous allez entendre.
    — Comment osez-vous ? Votre père...
    — Promettez !
    Le gentilhomme dut s’exécuter.
    — Je me demande parfois si je ne vous ai pas un peu trop aguerrie, et si je n’eusse pas mieux fait, jadis, de vous laisser aux jupes des femmes, plutôt que de vous entraîner dans mes chevauchées !
    Tout en marmonnant, il faisait honneur à un plat d’écrevisses.
    — Ces bestioles sont fameuses, dit-il en s’essuyant les doigts à la nappe, selon l’usage.
    Il but un peu de vin servi chaud. Puis il prit les mains de Diane dans les siennes, deux fois plus grandes, comme autrefois lorsqu’elle venait lui confier ses secrets d’enfant.

    Diane cligna des yeux plusieurs fois avant de parler.
    — Vous rappelez-vous la dernière fois que vous avez croisé le connétable de Bourbon ?
    — Monseigneur ? Pardi, j’ai dîné à sa table dimanche !
    — Comment se remet-il de la mort de sa femme ?
    — Tant bien que mal. C’est encore bien frais...
    L’événement tant redouté d’Anne de Beaujeu était survenu au printemps, privant le jeune duc, non seulement de son épouse, mais de ses titres à posséder les immenses territoires des Bourbons.
    Diane suivait son idée.
    — Et savez-vous ce qu’elle lui a légué ?
    — Tout, absolument ! J’ai moi-même eu l’acte sous les yeux, qu’elle avait dicté elle-même il y a deux ans.
    — Cet acte est sans valeur au regard des lois du royaume, et je vous annonce que Madame a l’intention de le contester.
    Saint-Vallier se rembrunit.
    — Que savez-vous de cela ?
    — Je sais que certains fiefs de feue la duchesse sont transmissibles aux femmes ; je sais que Madame, en tant que proche parente, est en droit de réclamer sa part ; je sais aussi...
    — Ma fille a l’âme d’un notaire !
    — Je sais aussi qu’en l’absence d’héritier mâle, le connétable pourrait éprouver quelque peine à conserver ses grands apanages. Car ils reviennent, de droit, à la Couronne ! Je sais...
    Saint-Vallier releva la tête.
    — Dites-moi, ma fille : serait-ce pour me faire part des intentions malignes de Madame que vous m’avez jeté sur les routes ?
    — Pas seulement. Nous devons faire tenir un message au connétable. Un message qui ne peut passer que par vous.
    Saint-Vallier s’essuya soigneusement les lèvres.
    — Un message, peut-être, que Madame doit ignorer...
    Diane se fendit d’un sourire. Dans le sillage de son mari, elle fréquentait à la Cour ce que l’on nommait le « vieux cercle », composé de quelques familles attachées au souvenir de Louis XII et aux intérêts de sa fille, la reine Claude ; on y montrait autant de dévotion pour l’Église romaine que de réserve envers le nouveau roi, sa mère, sa sœur et toute leur « coterie ».
    — L’idée qu’ont eue certaines personnes, dit Diane, est de proposer au connétable une solution favorable aux deux parties. Une solution astucieuse, et qui mettrait un terme définitif à ses soucis. Notre bonne Reine, vous le savez, possède une sœur fort jeune, mais qui sera sous peu en âge de se marier. Que Monseigneur vienne à épouser la princesse Renée, et l’avenir lui sourira !
    — C’est un gage qu’il offrirait à la Couronne...
    — Oui. Et la princesse lui donnerait peut-être les héritiers propres à sauver ses apanages.
    Messire Jean demeurait pensif.
    — J’imagine que l’on entend récompenser mes bons offices...
    — « On » y est tout disposé, en effet. Et si cela vous convient, nous pourrions même, tous deux, partager cette récompense...
    Saint-Vallier ouvrit de grands yeux : il découvrait sa fille sous un jour inédit, certes ; mais ce jour-là lui plaisait beaucoup.
    — Pourquoi, demanda-t-il, ne conclurions-nous pas un pacte ?
    — Vous et moi ?
    — Bien sûr ! Aidez-moi à trouver, de la sorte, de belles missions bien rémunératrices, et moi, je m’efforcerai de les remplir et de vous en laisser la gloire.
    Diane rayonnait. Elle s’approcha de son père et déposa une bise amusée sur son menton barbu.
    — Mais que croyez-vous donc que nous fassions, monsieur mon père ?

    L’on ouvrit la porte à deux battants pour livrer passage à la sœur de la reine, suivie seulement
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