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La Régente noire

Titel: La Régente noire
Autoren: Franck Ferrand
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puissant ; aimé – trop aimé... Croyez-moi, si j’avais à Londres un tel sujet, je ne lui laisserais pas longtemps la tête sur les épaules !
    Charles Quint esquissa une grimace : il répugnait aux massacres, qu’ils fussent d’oranges ou de connétables.
    — La mère du roi François partage sans doute votre point de vue, lâcha-t-il.
    Il extirpa une lettre d’un grand maroquin sombre.
    — L’ancienne régente de France, l’auguste Anne de Beaujeu, m’a fait parvenir ce pli, la semaine passée. En grand secret. Bourbon, vous le savez, n’est pas seulement son filleul ; il est aussi son gendre. Mme de Beaujeu craint fort pour la santé de sa fille, qu’elle n’hésite pas à déclarer mourante. Or c’est à elle – et à elle seule – qu’ont été concédés les apanages ; si elle venait à mourir, le roi de France et sa mère seraient en droit de déposséder le connétable du Bourbonnais et de tout le reste !
    Il avait déposé son orange sur une coupelle, et tout en devisant, l’épluchait avec la pointe effilée d’une dague. L’Anglais le regardait faire, d’un œil plein de curiosité.
    — Well , et alors ? Iriez-vous défendre la cause du duc de Bourbon ?
    — Non. C’est lui qui, dans ce cas, viendrait à épouser la nôtre.
    Charles tendit à Henry l’orange détaillée en quartiers.
    — Mme de Beaujeu ne s’opposerait pas, semble-t-il, à un retournement d’alliances... Une simple et pure trahison du premier soldat de France contre son suzerain !
    L’ogre observa le gnome avec cette admiration spéciale que l’on réserve aux maîtres dans une discipline où l’on aimerait exceller. C’était un plan d’action qui lui était proposé : le point faible, dans la cuirasse de François I er , s’appelait Charles de Bourbon ; c’est sur Charles de Bourbon que devait donc porter l’effort des ennemis de la France.
    — Le fruit est mûr à souhait, jugea l’Espagnol.
    L’Anglais sourit à belles dents : décidément, ce diable d’empereur aurait toujours un coup d’avance sur l’échiquier des cours ! Il jeta un œil torve à l’orange offerte, remarqua une guêpe affairée à s’en régaler, et du gras de son pouce, écrasa l’insecte sans autre forme de procès.
    1 - Balivernes !
    NB : Vous trouverez dans ce récit deux types de notes. Celles qui se trouvent en bas de page sont des indications immédiates, tandis que d’autres – apportant des précisions historiques – sont rassemblées en fin d’ouvrage.

Première partie
    Les félons

Chapitre I
    Automne 1521
    Château de Blois.
    U ne lumière fine, dorée – la lumière des petits matins en Val-de-Loire – inondait l’arrière-cabinet. Échappés d’une salle voisine par la porte entrouverte, un certain fracas d’eau versée, une certaine senteur miellée, ne laissaient aucun doute sur le rituel en cours : comme chaque matin à la pouponnière, une armée de servantes préparait le bain des petits princes.
    Sur la table couverte d’un velours épais et sombre, le marchand venait de disposer plusieurs miroirs à main, chefs-d’œuvre d’orfèvrerie ornés tantôt d’émaux, tantôt de perles ou de cristaux. Tous montraient le même tain limpide, fruit d’un tout nouveau procédé mis au point par les artistes verriers de Venise. Le sommet d’une civilisation... Sans y toucher, la grande sénéchale inclinait de l’un à l’autre son délicat visage, peut-être moins pour juger de la perfection des petites glaces que pour le plaisir d’y contempler sa jeunesse. Car malgré le titre vénérable qu’elle devait à la situation de son vieil époux – grand sénéchal de Normandie –, Diane de Brézé  3 n’avait guère plus de vingt ans. Le front haut, galbé, les pommettes et le menton menus, elle devait surtout sa renommée de joyau de la Cour à l’exquise douceur de son teint.
    Le Vénitien n’avait pas eu de mal à la convaincre de l’intérêt de sa marchandise : rien de ce qui respirait la richesse ne la laissait indifférente.
    — Ce petit-là ferait une gentille contenance  4 , dit-il.
    — Je te l’achète, annonça Diane.
    Elle ferma la porte en s’y adossant, et poursuivit un ton plus bas.
    — J’en prendrais bien quelques autres, mais il faudrait avant cela que tu me dises comment on les fait parler...
    L’ombre d’un sourire dérida le marchand. Apparemment, la jeune dame était au fait de ses talents cachés.
    — Ainsi, vous connaissez le
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