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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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beaux
dessins !
    Pour me faire plaisir, ma mère attendait un peu. Mais enfin
il fallait bien qu’elle rentre. Je suppliais :
    — Attends, attends encore un peu !
    — Allons, Madeleine, j’ai du travail.
    Je regardais mes dessins, et j’aurais voulu toujours les garder
intacts. Il m’était une souffrance de savoir qu’ils allaient être piétinés, démolis.
En même temps, je me rendais compte que c’était inévitable, et j’étais
malheureuse de n’y pouvoir rien changer. Déjà, je découvrais la fragilité des
choses éphémères.
    J’allais aussi à la pompe, chercher de l’eau dans un broc
que je ramenais en marchant à petits pas, attentive à ne pas renverser. J’appris
à moudre le café, dans le moulin en bois qu’il fallait tenir bien serré entre
les genoux ; je tournais la manivelle, ouvrant de temps en temps le petit
tiroir du bas pour y vérifier le café moulu.
    Mais les meilleurs moments de mon enfance, c’étaient les
jeux. Ce que nous avons pu jouer, nous, les enfants du coron ! Nous n’avions
pratiquement pas de jouets ; pourtant, nous n’étions jamais à court d’idées.
    A la maison voisine de la nôtre, il y avait quatre enfants. L’aîné,
Charles, avait deux ans de plus que moi, et sa sœur Marie avait mon âge. Tous
trois, nous étions inséparables. Dès que nous avions fini d’aider à la maison, nous
sortions et nous nous attendions mutuellement. Puis nous allions jouer. Dans la
rue, dans les sentiers le long des champs, autour des maisons. Mais notre
endroit de prédilection était, je crois, le terril. Nous descendions toute la
rue, nous passions devant Chez Tiot Louis, le cabaret des mineurs, que
je considérais avec un mélange de méfiance et de respect : c’était le
domaine exclusif des hommes, je n’y étais jamais entrée. Nous contournions la
fosse, avec son immense charpenté métallique et son chevalement, dont les
gigantesques roues m’impressionnaient. Nous arrivions au terril, qui était pour
nous une véritable montagne noire. Ce que nous aimions par-dessus tout, c’étaient
les glissades. Si nous n’avions pas de planche, nous descendions la pente sur
le derrière, ou alors, en roulant sur nous-mêmes. C’était très amusant. Ces
jours-là, lorsque nous revenions le soir, nous étions aussi noirs que les
mineurs qui remontaient du fond !
    Marie était mon amie. Lorsque Charles était à l’école, nous
jouions toutes les deux, à dès jeux de filles. Ma poupée de chiffon excitait sa
convoitise, souvent elle me demandait de la lui prêter. Je refusais, je ne
voulais pas prêter ce qui représentait pour moi l’équivalent d’un trésor.
    Un jour, nous étions assises devant la maison. Je venais
encore de refuser, et Marie, qui était vive et emportée, me dit :
    — Tiens, la voilà, ta poupée, puisque tu ne veux
pas la prêter !
    Elle la saisit et la lança au milieu de la rue. Il avait plu ;
ma poupée atterrit au beau milieu d’une flaque noire et boueuse. Stupéfaite, je
ne bougeai pas tout de suite. Lorsque je compris ce qu’elle avait osé faire, je
bondis et courus reprendre ma poupée qui, trempée et couverte de boue, n’avait
pas fière allure. Je contemplai avec horreur les dégâts, puis, me tournant vers
Marie, je dis, en suffoquant d’indignation :
    — Oh !… Regarde !… Regarde ce que tu as
fait !…
    Et je me mis à pleurer, à gros sanglots. Marie, qui n’était
pas méchante, regrettait son geste, et essayait de me consoler :
    — Allons, ne pleure pas… ne pleure pas, je ne le
ferai plus.
    Mais je ne pouvais pas m’arrêter. Voyant que je ne me
calmais pas, Marie alla chercher ma mère. Elle lui expliqua ce qui s’était
passé. Ma mère prit la poupée et me dit :
    — Ce n’est pas grave, je vais la laver. Elle
redeviendra aussi belle.
    Mais, redevenue propre, la poupée ne fut plus jamais comme
avant. Elle resta chiffonnée, les couleurs furent ternies par le lavage. J’en
eus de la peine très longtemps. Ce fut mon premier vrai chagrin d’enfant.
    Il y avait aussi des moments privilégiés pour jouer ; les
soirs d’été étaient de ceux-là. Les soirs d’été de mon enfance m’ont laissé au
cœur le souvenir impérissable d’une douceur, d’un charme suranné qui jamais
plus ne reviendront. La rue elle-même était transformée. Elle s’animait, devenait
gaie, toute bruissante, retentissait de cris et de rires.
    C’était, le plus souvent, au moment où la chaleur
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