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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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de longs gants de chevreau noir, quand on frappa à la porte de la cabine.
    Les deux amies eurent la même pensée en même temps. L’officier ! Viendrait-il prendre des nouvelles ? On frappa alors avec plus d’insistance.
    — Entrez, c’est ouvert, dit alors Sophie en s’éclaircissant la voix.
    La porte s’ouvrit, mais, à la place de l’officier, c’est une jeune femme de ménage qui apparut dans l’encadrement.
    — Puis-je vous déranger, le temps de poser ceci ? Impeccable dans son tablier blanc noué autour de sa taille, la jeune femme souriait et tenait un petit plateau sur lequel était posée une bouteille d’eau minérale pour la nuit, accompagnée de deux verres et de deux petites serviettes blanches brodées ton sur ton au monogramme de la compagnie.
    Sophie lui rendit son sourire.
    — Mais vous ne nous dérangez pas du tout, dit-elle. C’est très gentil au contraire.
    Au regard désappointé que lui jeta Béatrice, la jeune fille sentit bien qu’il y avait quelque chose qui l’avait dérangée. Mais, sans rien montrer, elle s’avança dans la cabine et posa le plateau sur une tablette qu’elle fit habilement glisser de dessous la tablette supérieure d’un meuble qui servait de commode.
    — Ça alors, c’est merveilleux ! fit Sophie, séduite par l’astucieux système.
    — Sur le France, tout est merveilleux, répondit la jeune serveuse avec gentillesse et d’un ton convaincu.
    Sentant, à l’attitude hautaine de Béatrice, qu’elle avait créé un malaise, et n’en comprenant pas l’origine, la jeune serveuse cherchait à se retirer sur quelque chose d’aimable qui laisserait d’elle une bonne impression. La qualité de l’accueil sur le navire était une priorité mille fois soulignée par l’encadrement. Il fallait atteindre la perfection et, comme ce service était le premier de la jeune serveuse, elle tenait justement à ce qu’il soit parfait. Hélas, il vaut parfois mieux ne pas chercher à tout comprendre des situations qui nous échappent, car, à trop vouloir les maîtriser, on risque au contraire de les aggraver. C’est ce qui arriva.
    — Je vois que vous êtes en pleins préparatifs et je devine à vos magnifiques tenues que vous vous faites une beauté pour le souper, alors je vous souhaite un bon appétit et une bonne soirée, mesdemoiselles, fit-elle, souriante, pensant par ce long discours très cérémonieux et bien peu naturel avoir trouvé la bonne voie pour se retirer sous de meilleurs auspices.
    Comment expliquer que l’idée que l’on se fait d’une amabilité peut changer de perception selon que l’on appartient à un monde ou à un autre ? Contrairement à l’effet souhaité, la remarque de la serveuse provoqua la colère de Béatrice qui avait horreur de ce qu’elle appelait des « familiarités ». Délaissant le miroir où elle ajustait les derniers détails de son chignon, elle se tourna vers la jeune fille et la toisa d’un air hautain.
    — Nos tenues, nos préparatifs, mais... vous voulez peut-être qu’on vous raconte notre vie.
    La jeune femme mesura son erreur en un quart de seconde et blêmit.
    Hélas, Béatrice n’avait pas terminé. Dédaignant cette fois la jeune fille et se retournant vers son miroir, elle lâcha une dernière remarque acerbe.
    — Au fait, mademoiselle, dans ce genre de circonstances et sur un paquebot de cette catégorie, le vocabulaire employé pour désigner les choses est des plus importants. C’est pour vous que je dis ça, sachez donc que nous allons « dîner » et non pas « souper ».
    Le jugement de Béatrice sur les êtres humains tenait à ce genre de détails. Pour elle, il était primordial de posséder les codes de bienséance qui soulignent votre appartenance à la bonne société. Un détail comme ce « souper » vous envoyait définitivement dans la catégorie des gens du commun qu’elle ne souhaitait pas fréquenter. Elle trouvait ce genre d’erreur « vulgaire », trop « peuple ». Cette fois le visage de la jeune serveuse s’empourpra. Ne trouvant rien à répondre, elle bredouilla et quitta la cabine précipitamment.
    Sophie n’avait pas eu le temps de s’interposer. Le vocabulaire de cette jeune fille qu’elle avait trouvée sympathique et efficace lui était à elle complètement indifférent. En revanche, elle détesta le comportement de Béatrice et faillit éclater de colère. Seulement, l’heure tournait. Si elle se disputait maintenant, elle
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