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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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étaient déjà pleins de regrets à l’idée que ce soit bientôt fini. Dehors, le vent soufflait par rafales. Il était si fort qu’à un moment Béatrice se leva pour tirer les voiles des rideaux. Ensemble, ils poussèrent un cri. Les vagues se soulevaient et passaient par-delà le bastingage pour venir s’écraser sur le pont.
    — Une tempête ! Encore ! dit l’un. Ils avaient annoncé le beau temps, je n’y comprends rien.
    Ils vinrent se coller derrière les vitres, pleins d’effroi. Sophie resta assise. Elle pensait à l’officier et s’attendait à tout instant à le voir surgir derrière la vitre, comme la première fois quand il lui était apparu au milieu des gerbes de mer. Depuis le matin il n’avait pas quitté ses pensées une seule seconde. Aussi quand elle avait entendu le vent se lever dans l’après-midi, quand elle avait su qu’il y aurait de la tempête, elle avait compris que cette tempête qui n’était pas prévue était un signe du destin. Ce serait ce soir.
    Elle quitta le salon douillet au moment où ses amis revinrent s’asseoir, encore effrayés.
    — Où vas-tu ? lui cria Béatrice quand elle la vit ouvrir la porte. Tu es folle, tu as vu la tempête, et tu as vu comment tu es habillée...
    Mais Sophie était déjà dehors. Elle courait sur le pont, elle allait vers l’avant du paquebot, tout en haut. A quoi bon attendre, il serait là, elle en était sûre. Elle n’avait même pas pris le temps d’enfiler des chaussures et de passer un manteau. Elle courait pieds nus. Elle ne voulait pas vivre l’histoire dramatique de Chantal qui n’avait pas su dire à Andrei qu’elle l’aimait.
    — La vie, c’est aimer, disait-elle en courant. Seul l’amour soulève des montagnes. L’amour, ça sauve de tout.
    Elle courut et courut encore sur les ponts, monta des escaliers et ne croisa personne. Elle n’en finissait pas de courir, mais elle ne sentait ni le vent ni le froid. L’océan grondait à quelques mètres et sous le navire les grands fonds faisaient entendre de terribles mugissements. Mais Sophie n’avait plus peur. Ni des grands fonds ni du grand océan. Ce qu’elle avait attendu depuis toujours allait enfin arriver. Parce qu’elle le voulait, de toutes ses forces. Elle s’arrêta enfin, tout en haut.
    Il la vit arriver du haut de sa timonerie. Il eut du mal à y croire mais il ne rêvait pas, c’était bien elle. Que faisait-elle là en pleine nuit, à peine couverte ? Le vent faisait voler ses cheveux et elle avait les yeux levés vers lui. Comprit-il tout de suite qu’elle était là pour lui ? Toujours est-il qu’il ouvrit la porte, descendit les marches de fer, et quand il fut sur le pont à quelques mètres d’elle, il lui tendit les bras. Elle courut s’y blottir et il les referma sur elle avec ce sentiment d’éternité qu’il avait toujours attendu de connaître.
    Ils passèrent la nuit sous la flamme d’or du petit salon où ils s’étaient rencontrés pour la première fois. Ils crurent en mourir de bonheur.
    On dit qu’ils s’aiment toujours.

 
    Épilogue
    Le France avait accompli sa mission au-delà de toutes les espérances. Il avait réussi la chose la plus rare. Des deux côtés de l’Atlantique, d’un bout du monde à l’autre, il avait fait rêver.
    Il retrouva Le Havre et s’amarra majestueusement le long de son quai Johannes Couvert. Il était attendu par des milliers d’admirateurs, les larmes aux yeux de bonheur de le voir revenir.
    Et la vie continua.
    Michèle retrouva son cuisinier, Francis raccompagna Chantal jusque chez elle. Il l’épousa un jour, mais elle n’oublia jamais Andrei.
    Sophie venait parfois lui rendre visite. Quand le vent soufflait sur la belle ville géométrique et large du Havre, quand il parcourait ses rues et balayait ce port immense aux bras déchiquetés sur l’océan, elle allait tout en haut du pont de Normandie aérien qui enjambait la mer. Elle regardait en bas la ville du Havre, contemporaine et légère, si belle et si nette face à ce grand horizon qui s’ouvrait devant elle. Le passé était loin, elle repensait à ce premier voyage, à ce magnifique paquebot qui les avait emportés un jour de février 1962. Le France avait changé sa vie. Elle y avait trouvé l’amour.
    Il traversa bien d’autres océans, emporta bien d’autres voyageurs, et dans le secret de son salon à la flamme d’or il gardait intact le souvenir de cette étreinte passionnée entre l’officier
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