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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne
Autoren: Donna Cross
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les épaules et la soulevèrent. Son corps
était lourd, mais ils réussirent néanmoins à la mettre sur pied. Chancelante,
elle se laissa aller de tout son poids contre son mari. Le chanoine s’avéra
plus vigoureux que Hrotrud ne l’eût cru. Cela valait mieux, car elle allait
avoir besoin de toute son énergie.
    — Nous
devons forcer l’enfant à prendre la bonne position. À mon commandement,
soulevez-la aussi haut que vous le pourrez. Et secouez-la.
    Le chanoine hocha
la tête. Tête baissée, Gudrun oscillait entre eux comme un poids mort.
    — Soulevez !
cria Hrotrud.
    Ils soulevèrent
Gudrun par les épaules et la secouèrent de haut en bas. La malheureuse hurla,
chercha à se débattre. La douleur et l’effroi décuplaient sa vigueur et ils ne
furent pas trop de deux pour la maîtriser. Si seulement il m’avait laissé
lui faire boire l’herbe aux poules... Elle souffrirait deux fois moins.
    Ils la remirent
sur pied, mais elle continua de lutter. Hrotrud réitéra son ordre, et de
nouveau ils soulevèrent Gudrun et la secouèrent, avant de la reposer sur le
lit, où elle resta à demi évanouie, marmonnant de mystérieuses paroles dans sa
langue natale. Parfait, songea Hrotrud. Si j’agis vite, tout sera
fini avant qu’elle n’ait repris ses esprits.
    Hrotrud enfonça
une main dans le puits de naissance et trouva à tâtons l’entrée de l’utérus. Il
était rigide, enflé par d’interminables heures de contractions inefficaces.
Avec l’ongle de son index droit, qu’elle gardait long à cette seule fin,
Hrotrud perça la membrane rebelle. Avec un gémissement, Gudrun sombra dans l’inconscience.
Un flot de sang chaud se répandit sur la main de la sage-femme, coula le long
de son bras, souilla le lit. Enfin, elle sentit l’ouverture s’agrandir sous ses
doigts. Avec un cri d’exultation, elle enfonça encore sa main, trouva le crâne
de l’enfant et exerça dessus une légère pression.
    — Prenez-la
par les épaules et poussez, ordonna-t-elle au chanoine, très pâle.
    Il obéit. Hrotrud
sentit la pression s’accentuer au fur et à mesure que l’homme joignait ses
forces aux siennes. Au bout de quelques minutes, le bébé entama sa lente
descente dans le puits de naissance. Hrotrud continua de tirer en douceur, en
prenant garde de ne pas blesser le délicat cartilage de sa tête et de son cou.
Enfin, le sommet de son crâne parut, couvert d’une touffe de cheveux fins et
trempés. Hrotrud dégagea la tête, et tourna le corps du nouveau-né pour
permettre à l’épaule droite, puis à la gauche, d’émerger. Au prix d’une
dernière traction, le petit corps glissa tout entier entre les mains de la
sage-femme.
    — C’est une
fille, annonça Hrotrud. Et très saine, à en juger par son aspect.
    Elle eut un
sourire d’approbation en écoutant le cri sonore de l’enfant, puis se retourna
pour affronter le regard critique du chanoine.
    — Une fille,
répéta-t-il. Tous ces efforts en vain !
    — Ne dites
pas cela, sire, dit Hrotrud, craignant soudain que la déception du père ne
mette son festin en péril. Cette petite fille est vigoureuse. Si Dieu le veut,
elle vivra et vous fera honneur.
    Le chanoine
secoua la tête.
    — C’est un
châtiment divin. Le Seigneur me punit de mes péchés... et des siens,
ajouta-t-il en désignant son épouse, toujours évanouie. Vivra-t-elle ?
    — Oui.
    Hrotrud se devait
d’être convaincante. N’ayant pas perdu l’espoir de savourer ce soir le goût de
la viande, elle ne pouvait se permettre d’infliger une seconde déception au
chanoine. Et Gudrun, après tout, avait des chances de survie raisonnables.
Certes, l’accouchement avait été rude. Après un tel calvaire, bien des femmes
étaient frappées de fièvre et rongées par la maladie. Mais Gudrun était solide.
Hrotrud soignerait ses blessures avec un onguent d’herbe à cent goûts et de
graisse de renard.
    — Si Dieu le
veut, elle vivra, répéta-t-elle d’une voix ferme.
    Il lui parut
inutile d’ajouter que Gudrun ne porterait sans doute plus jamais d’enfant.
    — C’est
mieux que rien, lâcha le chanoine en s’approchant du lit pour contempler sa
femme.
    Il effleura
délicatement sa chevelure d’or pâle, assombrie par la sueur. L’espace d’un
instant, Hrotrud crut qu’il allait l’embrasser. Puis son expression s’altéra.
Il prit l’air grave, et même furieux.
    — Per
mulierem culpa successit, psalmodia-t-il. Le péché
nous vient des
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