Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne
Autoren: Donna Cross
Vom Netzwerk:
salua Hrotrud du menton, puis reporta son attention
sur un grand livre à reliure de bois posé sur ses genoux. Hrotrud avait déjà
aperçu ce volume lors de précédentes visites, mais sa vue lui inspirait chaque
fois un profond respect. C’était un exemplaire de la sainte Bible, le seul
livre qu’elle eût jamais vu. Comme les autres villageois, Hrotrud ne savait ni
lire ni écrire. En revanche, elle savait que cette Bible était un trésor, et qu’elle
valait davantage en sous d’or que tout le revenu annuel du village. Le chanoine
l’avait apportée de son Angleterre natale, où les livres n’étaient point aussi
rares qu’en pays franc.
    Hrotrud vit tout
de suite que Gudrun allait mal. Son souffle était faible, son pouls trop
rapide, ses traits gonflés. La sage-femme connaissait ces signes. Il n’y avait
pas un instant à perdre. Elle fouilla dans sa besace et en retira quelques fientes
de colombe ramassées à l’automne. Elle revint près de l’âtre, les jeta au feu
et contempla avec satisfaction la fumée noire qui, en s’élevant, allait
débarrasser l’air de ses esprits malins.
    Il lui fallait
soulager la douleur de Gudrun, afin que celle-ci puisse se détendre et aider
son enfant à naître. Pour cela, elle avait apporté de l’herbe aux poules. Elle
prit une poignée de petites fleurs jaunes striées de pourpre, les plaça au fond
d’un mortier d’argile et entreprit de les réduire en poudre d’une main experte,
tout en se pinçant le nez pour ne pas sentir leur odeur âcre. Une fois sa tâche
terminée, elle fit infuser la poudre dans une timbale de vin rouge qu’elle
présenta à Gudrun.
    — Qu’est-ce
donc que tu t’apprêtes à lui donner ? demanda brusquement le chanoine.
    Hrotrud sursauta.
Elle avait presque oublié sa présence.
    — Elle est
faible. Cette potion apaisera sa souffrance et aidera l’enfant à naître.
    L’homme fronça
les sourcils. Il prit la timbale des mains de Hrotrud, contourna la cloison et
jeta son contenu dans le feu, qui émit un chuintement.
    — C’est un
sacrilège, femme !
    Hrotrud était
abasourdie. Il lui avait fallu des semaines de laborieuses recherches pour
amasser cette petite quantité du précieux remède. Elle se tourna vers le
chanoine, prête à s’enflammer, mais se retint en croisant le silex de son
regard.
    — Il est
écrit « Tu enfanteras dans la douleur », martela le chanoine en
frappant son livre de la paume. Ton remède est impie !
    Hrotrud était
indignée. Sa médecine était rigoureusement chrétienne. Ne récitait-elle pas
neuf Notre Père chaque fois qu’elle retirait une plante de terre ?
Le chanoine ne s’était certes jamais plaint lorsqu’elle lui avait administré de
l’herbe aux poules pour apaiser ses fréquentes rages de dents. Mais il était vain
de discuter. C’était un homme influent. Un mot de sa part sur ses pratiques
impies, et la réputation de Hrotrud serait ruinée.
    Gudrun eut un
gémissement de douleur. Soit, se dit Hrotrud. Puisque le chanoine ne voulait
pas entendre parler de l’herbe aux poules, il lui faudrait tenter une autre
approche. Elle prit dans sa besace une longue pièce d’étoffe, mesurant la Vraie
Taille du Christ, dont elle drapa l’abdomen de Gudrun en une série de gestes
rapides et efficaces. Celle-ci gémit quand Hrotrud la souleva de sa couche. Le
moindre mouvement lui était douloureux, mais celui-ci ne pouvait être évité.
Puis la sage-femme tira de sa besace un petit paquet soigneusement enveloppé de
soie. Il contenait un de ses biens les plus précieux : l’astragale d’un
lièvre abattu le jour de Noël. Elle avait obtenu ce trésor l’année précédente,
à l’occasion d’une partie de chasse de l’empereur. Avec mille précautions, elle
prit trois minuscules éclats d’os et les glissa dans la bouche de Gudrun.
    — Mâche
lentement, murmura-t-elle.
    Gudrun hocha
faiblement la tête. Hrotrud se redressa et attendit. Du coin de l’œil, elle
épia le chanoine, tellement concentré sur son livre que ses sourcils se
rejoignaient presque à la naissance de son nez.
    La parturiente
gémit encore et se tordit de douleur, mais son mari ne leva pas la tête. Un
homme froid, se dit Hrotrud. Et cependant, il faut bien qu’il y ait un
peu de feu au creux de ses reins, sans quoi il ne l’aurait pas prise pour femme.
    Combien de temps
s’était-il écoulé depuis que le chanoine avait ramené la Saxonne ? Dix,
onze hivers ? Gudrun n’était
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher