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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne
Autoren: Donna Cross
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femmes !
    Il lâcha la mèche
de cheveux et recula.
    Hrotrud secoua la
tête. À coup sûr, des paroles tirées de la sainte Bible. Le chanoine
était un drôle d’homme, mais grâce au ciel, ce n’était pas son affaire. Elle se
hâta de laver la parturiente afin de pouvoir rentrer chez elle à la lumière du
jour.
    Gudrun ouvrit les
yeux et vit le chanoine debout devant elle. L’ombre d’un sourire se figea sur
ses lèvres dès qu’elle discerna son regard.
    — Mon mari ?
souffla-t-elle, hésitante.
    — C’est une
fille, lâcha froidement le chanoine sans cacher son déplaisir. Gudrun
acquiesça, puis détourna le visage vers le mur. Le chanoine s’éloigna, s’arrêtant
pour jeter un bref coup d’œil sur la minuscule fillette couchée sur sa
paillasse.
    — Jeanne,
dit-il. Nous l’appellerons Jeanne.
    Sur ce, il quitta
brusquement la pièce.

1
    Le tonnerre
gronda, tout proche. L’enfant s’éveilla. Elle remua dans son lit, recherchant
la chaleur et le réconfort des corps endormis de ses frères. Et tout à coup,
elle se souvint. Ses frères étaient partis.
    Il pleuvait. C’était
une forte averse de printemps, qui emplissait la nuit d’une âcre odeur de terre
fraîchement labourée. La pluie martelait le toit de la maison du chanoine, mais
le chaume épais protégeait la chambre de l’humidité, sauf en deux endroits,
près des coins, où l’eau s’écrasait en lourdes gouttes sur la terre battue.
    Le vent se leva,
et la frondaison d’un chêne tout proche se mit à caresser, au rythme irrégulier
des rafales, les murs de la maison. Un éclair fit pénétrer dans la pièce l’ombre
étirée de ses branches. Fascinée, la fillette vit les monstrueux doigts noirs
effleurer le bord du lit. On eût dit qu’ils cherchaient à l’atteindre. Elle se recroquevilla.
    Mère ! Elle ouvrit la bouche pour appeler, mais se retint. Au moindre son,
la main menaçante bondirait sur elle. Elle resta pétrifiée, incapable de se
décider. Et finalement, elle redressa le menton. Elle ferait ce qu’elle devait
faire. Avec une grande lenteur, sans quitter l’ennemi des yeux, elle se glissa
hors du lit. Ses pieds entrèrent en contact avec la surface froide de la terre
battue, et cette sensation familière la rasséréna. Osant à peine respirer, elle
se dirigea à reculons vers la cloison derrière laquelle dormait sa mère. Un
nouvel éclair déchira la nuit. Les doigts noirs s’allongèrent, comme pour la
saisir. Elle ravala un cri et, la gorge serrée, s’obligea à poursuivre
lentement sa progression, sans céder à l’envie de courir.
    Elle touchait au
but. Une énorme salve de tonnerre explosa au-dessus du toit. Au même moment,
quelque chose la toucha dans le dos. Elle cria, fit volte-face et courut jusqu’à
la cloison, renversant au passage la chaise qu’elle venait de heurter.
    À l‘exception du
souffle régulier de sa mère, la seconde pièce était obscure et silencieuse. La
fillette sut aussitôt qu’elle était profondément endormie. Le vacarme ne l’avait
pas réveillée. Elle courut jusqu’au lit, souleva la grosse couverture de laine
et se glissa dessous. Sa mère était couchée sur le flanc, lèvres entrouvertes.
Son souffle chaud caressa la joue de la petite fille. Celle-ci se pelotonna
contre le grand corps vêtu d’une fine chemise de lin.
    Gudrun s’étira,
changea de position. Ses yeux s’ouvrirent, et elle posa sur la fillette un
regard hébété. Puis elle la prit dans ses bras.
    — Voyons, ma
Jeanne, ma petite caille, reprocha-t-elle tendrement, en plaquant ses lèvres
sur les cheveux soyeux de sa fille. Ne devrais-tu pas être dans ton lit ?
    D’une voix aiguë
et accélérée par la peur, Jeanne se hâta de narrer à sa mère l’irruption de la
main monstrueuse.
    Gudrun écouta,
tout en murmurant à sa fille des paroles d’apaisement. Elle devinait à peine
son visage. Jeanne n’était guère jolie. Elle ressemblait trop à son père, au
cou épais et aux larges mâchoires. Déjà, son corps d’enfant était lourd et
râblé, bien loin de la grâce longiligne commune aux enfants de son peuple. En
revanche, ses yeux étaient beaux : très grands, très expressifs, avec des
prunelles d’une belle couleur verte, striées de gris sombre près de leur
centre. Gudrun souleva une mèche de la chevelure de sa fille et la caressa.
Elle aimait son éclat d’or pâle, visible jusque dans l’obscurité. Mes
cheveux. Et non ceux de son mari, ni ceux de son
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