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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler
Autoren: Ron Hansen
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sa
belle-mère ! Aujourd’hui elle en avait vingt-cinq, et, songea-t-elle, bien
des choses avaient changé.
    Tante Johanna parlait, puis Adolf.
    — Notre logement donne sur une cour
intérieure lugubre. Même l’après-midi, je dois allumer une lampe à pétrole
puante pour dessiner.
    — Pourquoi ne peins-tu pas à l’Académie
des beaux-arts ? demanda Angela.
    Elle entendit son demi-frère bouger dans le
silence qui s’ensuivit, puis quand elle leva les yeux, elle vit qu’il s’était
détourné de la fenêtre de la salle à manger et avait glissé la main à l’intérieur
de sa veste. Il traversa la pièce d’un air méchant, et produisit une feuille de
papier pliée qu’il lissa d’un geste sarcastique sur le bras du divan, près de
la tête de Geli.
    Décision officielle, pouvait-on lire, Adolf Hitler, né à Braunau am Inn, Haute Autriche, le
20 avril 1889. Religion : catholique. Père fonctionnaire (décédé). Scolarité :
Realschule, quatre classes. Travaux présentés : insuffisants ; trop
peu de portraits.
    —  Tu n’as pas
été accepté ?
    — Bravo, tu comprends vite, Angela !
    — Oh, Adolf, je suis sincèrement désolée
pour toi. Et tu n’as rien pu faire ?
    — Apprendre à dessiner des têtes ? suggéra
tante Johanna.
    — Je suis allé voir le directeur, dit-il
en s’efforçant de se dominer. Professor Siegmund l’Allemand. Un Juif. Il m’a
dit que je n’étais pas très doué pour la peinture, mais que je devrais essayer
l’architecture.
    — Et ?
    — J’ai avoué que j’avais arrêté mes
études ici à l’âge de seize ans et que je n’avais pas mon diplôme.
    Et le visage rouge, comme en ébullition, il se
mit à vitupérer contre l’intransigeance des professeurs lors de l’exténuante
épreuve de quatre heures, les traitant de petits bureaucrates, de
fonctionnaires démodés et fossilisés. Dépourvus de goût, d’équité, de bon sens.
Aucune loyauté envers leur héritage.
    Tante Johanna soupira.
    — Tu es bien conscient, naturellement, dit-elle,
que si tu avais étudié dans une école technique tu serais diplômé à présent ?
Mais non, tu es un artiste, tu ne veux rien écouter. Une tête de mule, comme
ton père. Tu suis ta route, sans t’occuper de personne, comme si tu n’avais pas
de famille. Ça fait six mois que ma sœur est morte, et c’est la première fois
que tu nous rends visite.
    Hitler se jeta à ses genoux dans un geste
mélodramatique, et d’une voix aiguë, pleurnicharde et plaintive, le visage
pressé contre la cuisse de tante Johanna, il avoua ses échecs, son
irresponsabilité, son talent stérile ; il admit également que c’était la
honte, la vanité et son besoin impérieux de lui faire plaisir qui avaient
anéanti ses bonnes intentions. Et désormais il se sentait condamné à gâcher sa
vie dans la crasse d’un environnement douteux, glacé en hiver, étouffant en été,
sa jeunesse à jamais perdue, sans autre revenu que la vente de ses tableaux, trop
fier pour demander une assistance financière, avec le Chagrin et la Pauvreté
pour seuls compagnons.
    — Là, là, dit Johanna en lui caressant
les cheveux.
    C’est reparti comme avec sa mère, pensa Angela. Lorsqu’elle grandissait avec lui, elle avait trop souvent
vu Klara céder à ses abjectes lamentations, et à présent elle ne pouvait plus
le supporter. Elle boutonna sa robe, plaça Geli devant son épaule gauche qu’elle
avait protégée d’un torchon, et, en tapotant doucement le dos du bébé, se
dirigea vers la cuisine.
    L’évêque essuyait des larmes de rire et Léo
était assis par terre, complètement ivre, les idées confuses. Angela sortit un
plat d’œufs à la russe de la glacière et mit un pot de cornichons sur la table.
Léo se leva, se fourra un œuf dans la bouche, et farfouilla dans le pot avec
les doigts. Angela prit une fourchette. August Kubizek, assis à côté de l’évier,
racontait :
    — Nous n’avons pas plus tôt acheté à deux
un billet de loterie à dix kronen qu’Adolf s’imagine déjà que nous avons gagné.
Sa main à couper. Il n’arrête pas de dire que nous allons louer une maison de l’autre
côté du Danube, qu’il la meublera à son goût, peindra des trompe-l’œil sur les
murs, et qu’il en fera notre propre conservatoire. Nous aurons aussi une
gouvernante, une dame d’une culture exquise et d’un tempérament placide. D’âge
mûr, naturellement, car, selon ses propres paroles, pas
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