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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler
Autoren: Ron Hansen
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question d’éveiller des
espoirs que nous ne pourrions accueillir favorablement.
    — Serait-il possible que le jeune Hitler
ait une vocation religieuse, monseigneur ? demanda Raubal avec un clin d’œil.
    — Vous me donnez la chair de poule, Herr
Raubal.
    Le vieux prêtre regarda le bébé par-dessus ses
lunettes et sourit en caressant ses cheveux bruns et duveteux.
    — Elle s’est endormie, murmura-t-il.
    — Je ferais mieux de la coucher.
    — Et quand le numéro gagnant a été
annoncé, poursuivait Kubizek, et que ce n’était pas le nôtre, Adolf a été
effondré. Anéanti. Il a crié que c’était injuste. Que les autorités nous
avaient volé le gros lot. Et il a dû rester allongé dans le noir pendant deux
jours. Alors je me suis dit « Quelle imagination fantastique ! Ce que
les autres considèrent comme leurs rêves les plus fous, pour lui c’est bien
réel. »
    Angela se dirigea vers le couloir juste au
moment où Léo junior, qui avait deux ans, sortait de la chambre des enfants, encore
mal réveillé. Après avoir couché Geli, elle hissa le bambin sur sa hanche pour
qu’il puisse poser les bras et le menton sur le berceau et regarder un instant
sa sœur dormir en suçant frénétiquement son pouce. Puis Angela changea et
débarbouilla son fils et l’emmena comme un présent à la cuisine, où elle trouva
Hitler, qui avait tombé la veste à cause de la chaleur et abandonné tante
Johanna au profit de la compagnie des hommes.
    — Et la confirmation, ce fut encore pire,
disait l’évêque. C’était à la Pentecôte 1903, 1904 ?
    — 1904, précisa Hitler, avec indifférence.
    — De tous les garçons qui faisaient leur
confirmation, il était le plus boudeur, le plus désagréable, le moins bien
préparé ; comme si la religion ne représentait qu’un immense ennui pour
lui, et que la confirmation lui répugnait. Il a fallu lui tirer les mots de la
bouche. Tu ne vas plus à la messe ni à la confession, je parie ? demanda l’évêque
en remplissant son pichet.
    — J’ai été païen toute ma vie, répondit
Hitler d’un ton moqueur.
    Raubal le frappa sur le crâne du plat de la
main.
    — Aïe ! fit Hitler en secouant la
tête.
    — Monseigneur essaie de sauver ton âme.
    Le vieux prêtre se tourna vers Raubal.
    — Il s’est échappé du repas de
confirmation pour jouer aux Indiens avec des gamins de neuf ans. Et dire qu’il
en avait quinze !
    — Tout s’explique, dit Raubal.
    — Léo, fit remarquer Angela, sois poli !
    Elle se tourna vers Adolf. Elle était son
aînée de six ans et se rappelait avec attendrissement les jours ensoleillés où
elle le mettait dans sa poussette et paradait avec lui comme s’il était son
enfant. Depuis ce temps-là elle lui avait toujours tout pardonné. Elle lui toucha
le poignet.
    — Tu as faim, Adolf ?
    Son demi-frère examina d’un œil morne les
pommes de terre, la Kielbasa froide, les œufs à la russe, les cornichons,
les rollmops, le morceau de gouda et, se plaignant que c’était de la nourriture
juive, demanda à Angela de lui faire de la Mehlspeise, une sorte de
bouillie sans viande.
    Elle se dirigeait vers le garde-manger lorsque
Raubal se mit à crier.
    — Ne fais rien de spécial pour lui !
Mange comme nous, Adolf !
    Kubizek finit sa bière et se leva.
    — Vous avez un piano. Si je jouais
quelque chose ?
    — Nous allons faire un duo ! ajouta
Hitler, tout excité.
    Tout le monde se rendit dans le salon où
trônait un superbe piano à queue Heitzmann, que Klara avait offert à Hitler à l’époque
où il lui semblait que son fils était bourré de talents formidables ne
demandant qu’à être stimulés. Kubizek s’assit sur le côté droit du tabouret et
joua la mélodie des Plaisirs de jeunesse de Diabelli, tandis qu’Hitler, courbé
sur la partie gauche du clavier, martelait la partie d’accompagnement. À la fin,
des applaudissements enthousiastes les encouragèrent à se lancer dans un menuet
d’Haydn, mais Hitler joua si laborieusement que quand ils eurent fini, Paula
dit, en toute franchise :
    — Maintenant, on veut entendre August
tout seul.
    Hitler se leva, non sans rappeler que c’était
son piano.
    Raubal proposa que Kubizek fasse honneur à l’évêque
en jouant quelque chose de Bruckner, l’ancien organiste de l’Alter Dom.
    — Anton Bruckner, soupira le vieux prêtre.
Il pouvait transformer n’importe quelle église en cathédrale.
    Puis il s’assit lourdement sur
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