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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler
Autoren: Ron Hansen
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I
Linz, 1908
    Elle vit le jour à Linz, en Autriche, le 4
juin 1908, à une époque où Hitler, raté de dix-neuf ans, survivait tant bien
que mal à Vienne, souffrant de la faim et du manque d’attention. Elle fut
baptisée avant la fin du mois à l’Alter Dom, l’ancienne cathédrale de Linz, et
reçut le nom d’Angelika (Anguélica) Maria Raubal, en l’honneur de sa mère
Angela, la demi-sœur d’Hitler ; toutefois la famille ne tarda pas à
appeler le bébé Geli (Guéli), diminutif qui devait lui rester toute sa vie.
    C’est ce dimanche après-midi, lors de la
petite fête qui suivit la cérémonie, qu’Hitler vit sa nièce pour la première
fois. Angela entendit quatre coups sourds frappés à la porte d’entrée et trouva
Adolf planté dans Bürgergasse devant la maison Raubal, pâle et squelettique, engoncé
dans un col montant amidonné orné d’un nœud papillon de soie rouge et dans le
costume anthracite mal coupé qu’il portait à l’enterrement de sa mère en
décembre, sa large moustache si peu fournie qu’elle semblait tracée au crayon, les
cheveux châtains comme sa sœur et pas plus longs qu’une barbe de cinq jours. Dans
un élan d’amour inconditionnel, Angela l’invita à entrer et le prit dans ses
bras, mais elle eut l’impression de tenir un bout de bois. Puis elle vit arriver
en courant depuis la gare le seul ami de son frère, August Kubizek, dont le
père était tapissier à Linz. Angela le serra lui aussi sur son cœur.
    — Vous nous avez manqué, Gustl ! lui
dit-elle.
    — Vous aussi, vous m’avez manqué !
    — Léo ! Paula ! s’écria-t-elle
en direction de la cuisine. Venez voir qui est là !
    Elle remarqua alors que son demi-frère tenait
un chapeau haut de forme en soie dans une main, et que de l’autre il faisait
tournoyer dans un geste saugrenu une canne noire à pommeau d’ivoire, comme s’il
était un monsieur nanti.
    — Tante Johanna est là également, lui
dit-elle. Et l’évêque.
    — Seigneur ! répondit Hitler.
    À cet instant, Léo Raubal, le mari d’Angela, inflexible
inspecteur des impôts de vingt-neuf ans, sortit précipitamment de la cuisine
une chope à la main, en bras de chemise et sans cravate. Tout ce qu’Adolf avait
exécré chez son père, Léo Raubal se targuait de l’admirer, et on aurait cru
entendre feu Aloïs Hitler lorsqu’il s’exclama :
    — Mais c’est monsieur Fainéant en
personne ! Le bohème ! L’unique rival de Rembrandt ! Quel
honneur de vous avoir enfin chez nous !
    — Léo, sois gentil ! dit Angela.
    — Mais il n’y a pas plus gentil que moi !
Je suis saint Nicolas ! La charité faite homme !
    Paula, la sœur d’Hitler âgée de douze ans, dont
la santé mentale laissait à désirer, et que l’on surnommerait plus tard « la
Traînarde », était restée à l’écart dans la cuisine, enroulant un bout de
ficelle autour de son poignet et fixant d’un œil énamouré Kubizek, qu’elle
aimait bien, jusqu’à ce que Hitler lui tende un paquet.
    — J’ai un cadeau pour toi, Paula !
    Sans pantoufles, sur des chaussettes qui, à
force, n’étaient plus très blanches, elle se précipita pour le prendre, puis
regarda d’un air indécis l’emballage festif en papier de soie qu’Hitler avait
décoré de ses mains.
    — Tu peux le déchirer, lui dit celui-ci.
    — Mais non, je ne veux pas !
    — Oh, par pitié, vas-y ! lança Léo
Raubal.
    Elle déchira le papier et découvrit en dessous
un gros roman ardu, Don Quichotte.
    —  Ça se
prononce comment, le titre ?
    Hitler le lui dit.
    Elle ouvrit le livre, et à l’intérieur, au
lieu du petit mot affectueux de la part de ce frère qu’elle vénérait, ne
serait-ce qu’un « Pour ma chère Paula », elle trouva une liste
établie de la main d’Hitler d’autres ouvrages qu’elle pourrait lire avec profit :
biographies, livres d’histoire, de politique ou de littérature.
    — Merci, Adolf, dit-elle, les traits
défaits par la déconvenue, et elle s’en fut ranger Don Quichotte.
    —  Quelle
bonne idée ! dit Raubal à Hitler. C’est tout à fait le genre de choses qui
plaît aux petites filles !
    — Elle va bien ?
    — C’est là-haut que ça ne va pas, répondit
Raubal en se touchant la tête.
    Tante Johanna Pölzl, la sœur de la mère d’Hitler,
âgée de quarante-cinq ans, riche et bossue, sortit d’une des chambres et s’engagea
dans le couloir. Elle sourit.
    — Je faisais un somme avec le petit
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