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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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d’une riche robe de soie. Après quoi, on l’emmena dans une salle où les tables avaient été dressées pour le repas, et où Lancelot vit enfin la fille du seigneur. Belle et fort avenante, avec de beaux cheveux bruns qui lui tombaient sur les épaules, elle le salua avec d’autant plus d’amabilité que son cœur la prévenait davantage en faveur du vainqueur de l’épreuve. Cependant, après qu’il eut pris place entre elle et son père, on apporta l’eau. Quand ils se furent lavé les mains, on commença à servir, et le repas se déroula de la meilleure façon du monde. Lancelot s’efforçait de faire bonne figure, mais le chagrin que lui causait la mort de Lionel lui ôtait toute envie de se divertir. Il ne parvenait même pas à se réjouir d’avoir conduit les siens à la victoire et vengé par là même le roi Arthur et le royaume tout entier.
    Quand fut venue l’heure d’aller se coucher et que le seigneur eut fait apporter le vin, survint un messager qui réclama un entretien particulier. Manifestement bouleversé, l’hôte médita quelques instants en silence puis alla trouver Lancelot : « Chevalier, je viens d’apprendre que tu as tué mon frère, le comte de Gorre. Sache que je ne te le pardonnerai jamais. Tu aurais eu la tête tranchée si tu n’avais retiré l’épieu du pilier. Eh bien ! Tu auras quand même la tête tranchée, mais pour avoir tué mon frère. » Et il ordonna à ses gens de se saisir de Lancelot et de le mener dans la cour subir son châtiment.
    La jeune fille se précipita alors aux genoux de son père. « Seigneur ! s’écria-t-elle, tu agis bien mal envers un chevalier qui est ton hôte. On n’a jamais vu un noble seigneur se conduire de la sorte ! – Assurément, convint le seigneur des Griffons, c’est la colère qui me pousse à me venger immédiatement ! Qu’il reste en vie cette nuit, puisqu’il est mon hôte et que je lui dois protection. Mais demain, quand le jour sera levé, il devra payer pour la mort de mon frère. » Là-dessus, il fit conduire Lancelot dans la chambre qu’on lui avait préparée et poster des gardes à la porte afin qu’il ne pût sortir.
    Lancelot se coucha tout habillé sur le lit, sans se soucier le moins du monde du sort qu’on lui réservait. Peu lui importait de mourir le lendemain matin, maintenant qu’il avait accompli ce qu’il devait accomplir. Peu lui importait de vivre puisque, le roi Arthur et de nombreux chevaliers étant morts, il n’avait non plus aucun espoir de revoir la reine Guenièvre. La seule satisfaction qu’il retirât de tous les événements auxquels il avait été associé était de n’avoir jamais failli à son devoir et à sa loyauté, quelque remords que dût lui causer son amour coupable pour Guenièvre. Et comme, du reste, il était épuisé, il s’abandonna au sommeil qui commençait à l’envahir.
    Or, au milieu de la nuit, il fut réveillé en sursaut par du bruit dans la chambre. En ouvrant les yeux, il aperçut une lumière qui se déplaçait et venait vers lui. Il reconnut alors, munie d’un flambeau, la fille du seigneur. « Seigneur, dit-elle à voix basse, ne t’inquiète pas : je suis venue pour te sauver. Mon père fait garder le château de tous côtés, mais je sais comment te faire sortir. Dans le mur de cette chambre s’ouvre un escalier qui te permettra de descendre jusqu’à la cour. Dans la cour se trouve une citerne et, au fond de cette citerne, un souterrain qui mène jusqu’au verger. Là, je t’attendrai avec ton cheval et tu pourras t’en aller tranquillement. – Pourquoi fais-tu cela ? demanda Lancelot. – Parce que mon cœur est entièrement tourné vers toi », répondit la jeune fille.
    Lancelot fut bien embarrassé par cette déclaration. Et c’est pour éviter de chagriner le noble cœur de la demoiselle qu’il se garda de tout commentaire. « Seigneur, reprit-elle, je t’ai apporté tes armes, car tu en auras besoin. Dans ce souterrain, en effet, vit un lion féroce qui se jette sur tous ceux qui tentent de passer. Mais je te sais assez brave et courageux pour le vaincre. Je dois aussi te révéler que, plus loin, séjournent avec leurs petits deux griffons monstrueux ; et comme aucune lance, aucune épée ne saurait triompher de leur cruauté, voici un petit chien : il appartenait à un enchanteur, et sa seule vue suffira à éloigner les griffons, qui, dès lors, te laisseront passer. Voilà ce que j’avais à te dire.
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