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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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INTRODUCTION
    L’Épée et le Royaume
     
    Par essence, une épopée n’a ni commencement ni fin : elle n’incarne jamais, sous sa formulation rhétorique et ses aspects de récit structuré, qu’un moment dans l’histoire réelle ou imaginaire d’une humanité sans cesse en quête d’elle-même. Le récit s’intègre dans un contexte socioculturel qui le rend compréhensible et transmissible, ce contexte étant jalonné de repères qui constituent autant de témoignages d’une certaine forme de civilisation à une époque déterminée. D’où ce paradoxe qu’une épopée, intemporelle par nature, ne peut nous parvenir que revêtue de couleurs datées. Et pourtant, la structure qui la sous-tend est immuable : elle est l’effort perpétuel grâce auquel l’humanité, cristallisée dans des personnages de héros, tente de se dépasser et de parvenir à un état supérieur. Mais, comme dans le célèbre mythe de Sisyphe, le rocher qu’elle hisse péniblement au sommet de la montagne retombe invariablement dans l’abîme originel. Il faudra alors tout recommencer, et c’est pour cette raison que l’épopée ne s’achève jamais vraiment.
    Tel est le cas de l’épopée arthurienne, puisqu’il s’agit d’un cycle qui s’est développé autour du personnage central d’un roi emblématique incarné dans une époque charnière où s’affrontaient – et s’interpénétraient – deux types de civilisation. Les récits dont nous disposons furent écrits, il faut le rappeler, dans et pour la société féodale courtoise des Capétiens et des Plantagenêts, société raffinée imprégnée de christianisme et où retentit d’ailleurs l’écho des plus récentes disputations théologiques. Mais les thèmes développés sont fort antérieurs, empruntés pour la plupart à la tradition celtique primitive. Or, cette tradition celtique, officiellement défunte, ou tout au moins refoulée, n’avait plus d’autre recours pour affirmer son existence que sa transcription courtoise et chrétienne. Elle fut une sorte de vague, très haute et très puissante, ravageant tout sur son passage et laissant derrière elle des flots d’écume persistants à travers l’Europe. À l’instar de Sisyphe, Arthur a été décrit comme surgissant de l’abîme pour hisser son rocher au faîte de la montagne. Mais une fois parvenu là, il s’est arrêté pour reprendre sa respiration. Et le rocher a de nouveau dévalé la pente avant d’être englouti par l’ombre. Après la quête du Graal, qui marque l’apogée du règne d’Arthur, la société qu’il a mise en place, grâce certes à son génie personnel mais surtout à celui d’un Merlin invisible et omniprésent, ne peut demeurer statique au sommet, puisque sa nature propre est action. Elle doit donc s’effondrer, et ce rapidement, puis tout devra recommencer.
    Cette conception cyclique du temps est bien évidemment liée à des hypothèses métaphysiques que concrétisent les exploits prêtés aux héros, lesquels appartiennent à une mythologie universelle : tout relève d’une sorte de réminiscence confuse mais contraignante d’un « Âge d’or » originel révolu et perdu qu’il convient de restituer dans sa plénitude. À cela vise tout récit épique ou dramatique dont les personnages incarnent d’anciens dieux dont, pour une raison ou pour une autre, on a abandonné le culte, officiellement du moins, puisque ces dieux, qui continuent à vivre leur vie souterraine inconsciente, surgissent fréquemment sous des aspects inattendus au sein d’une société qui s’efforce pourtant de les rejeter. On peut ironiser sur certains cas, tel sur celui du dieu Priape christianisé en « saint » Foutin, parce que l’allusion est claire et directe. Mais qui reconnaîtrait le dieu forgeron celte Goibniu sous les traits du prétendu Breton « saint » Gobrien, lequel guérit les clous , ou encore la déesse de la Poésie, de l’Art et des Techniques Brigit, la « Haute », la « Puissante », sous l’aspect rassurant de « sainte » Brigitte de Kildare, ou enfin le dieu préceltique de la Fécondité Kernunnos, le « dieu cornu » tant de fois représenté dans la statuaire gallo-romaine, dans l’image très pastorale de « saint » Kornély accompagné d’un bœuf, et considéré comme le protecteur des bêtes à cornes ?
    Ce n’est d’ailleurs pas seulement sur les autels des églises de campagne que se retrouvent les dieux de
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