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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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l’ancien temps. Ils abondent, dans l’épopée arthurienne, sous des aspects largement humanisés qui ne les empêchent pas de conserver les caractéristiques essentielles de leur archétype. Si l’on transplantait en Irlande l’ensemble des chevaliers de la Table Ronde aux époques préchrétiennes, on reconnaîtrait sans peine sous leurs traits les divers dieux désignés comme Tuatha Dé Danann , autrement dit les « peuples de la déesse Dana », qui sont non seulement les héros de nombreux récits épiques mais l’image concrète des divinités en qui les Druides honoraient les multiples attributions symboliques de l’énergie divine innommable, ineffable et incommunicable parce qu’ être absolu . L’exemple le plus frappant est celui de Lancelot du Lac qui coïncide très exactement avec le Lug gaélique – et panceltique –, divinité multifonctionnelle civilisatrice et lumineuse sans la participation de laquelle rien ne peut être entrepris contre les puissances des ténèbres, les Fomoré, peuple de géants malfaisants et négateurs qui pullulent, sous des aspects divers, dans tout le cycle du Graal.
    Il est toutefois une constante dans les épopées celtiques ou d’origine celtique, à savoir que les héros masculins sont incapables d’activité si n’intervient l’élément féminin, représenté soit par la femme aimée, soit par la reine, cristallisation de la collectivité au nom de laquelle s’accomplissent toutes les prouesses. Lancelot du Lac ne serait rien sans l’amour qu’il porte à Guenièvre, et il l’avoue maintes fois au cours de ses aventures. Cependant, il oublie qu’il a été élevé et éduqué par la fée Viviane, la Dame du Lac, et que Morgane se dresse sans cesse sur son chemin pour l’obliger à se dépasser. Cette constante est liée au fait que, dans toutes les langues celtiques, le soleil est de genre féminin : la reine Guenièvre (ainsi que toutes les héroïnes qui se manifestent à lui) est donc littéralement le soleil qui lui communique sa chaleur et sa puissance. Il en va de même pour Tristan qui, selon l’une des versions de la légende, ne saurait survivre plus d’un mois s’il n’a de contact physique avec Yseult. C’est dire que l’épopée rejoint ici la réalité cosmique selon laquelle la lune ne tire sa force que des rayons du soleil. Et de même que Tristan est l’homme-lune, incapable d’agir – et même de vivre – hors de la présence de la femme-soleil, de même sont tous les autres personnages, ces chevaliers qui accomplissent des exploits surhumains, qui, frôlant constamment la mort, conquièrent des royaumes et ne se lancent dans des expéditions sans espoir que parce que la reine, quelle qu’elle soit, leur a prodigué, selon l’étrange et juste expression des conteurs irlandais, « l’amitié de ses cuisses ». Les poètes pétrarquisants du XVI e  siècle l’avouaient franchement lorsque, se décrivant flétris dans la rosée du matin, ils se recréaient aux rayons des yeux de la femme aimée . C’est assez dire dans les épopées arthuriennes l’importance des personnages féminins, même si la méfiance – pour ne pas dire l’hostilité – des clercs des XII e et XIII e  siècles envers les femmes soupçonnées d’être des incarnations du grand Satan tend fréquemment à l’occulter.
    Cette peur qu’on pourrait assurément qualifier de maladive, voire de névrotique, n’est pas totalement dénuée de sens, du moins si l’on s’en tient aux aventures des chevaliers d’Arthur, a fortiori dans la gigantesque fresque que domine l’image solaire, étincelante du Graal. Sans tomber dans le piège de l’antiféminisme rassurant qui est le propre de toutes les sociétés patriarcales, les faits sont là : si la femme est le moteur de l’homme, elle est également sa perte. Kâli la Noire, en Inde, donne la vie et la mort.
    Morgane en est l’image assurément occidentale, mais néanmoins parfaitement réelle sur le plan de la signification symbolique.
    Le principe dominant des sociétés – notamment de la société chrétienne occidentale – est que chaque chose recèle son contraire, sa propre négation. Le message évangélique est l’Amour, considéré comme le ciment d’une collectivité fraternelle. Mais pour peu que cet amour passe du stade universel, « caritatif », à un stade individualisé, il devient subversif, dangereux parce qu’il écarte deux êtres qui se suffisent à
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