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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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dire... A... genoux !
    Il n'y eut pas un seul retardataire.
    — Et maintenant, répétez après moi, mais à haute et intelligible voix: « Nous sommes des pourceaux et des traîtres. »
    — Nous sommes des pourceaux et des traîtres!
    — Qui doivent être détruits.
    — Qui doivent être détruits !
    — Car c'est tout ce que nous méritons.
    — Car c'est tout ce que nous méritons !
    — Demain dimanche, nous nous passerons de nourriture.
    — Demain dimanche, nous nous passerons de nourriture !
    — Car lorsque nous ne travaillons pas.
    — Car lorsque nous ne travaillons pas!
    — Nous n'avons pas le droit de manger.
    — Nous n'avons pas le droit de manger!
    Chaque samedi après-midi, ces chœurs de déments retentissaient dans la cour et, le lendemain dimanche, nous nous passions de nourriture.
    Une nommée Käthe Ragner occupait la cellule voisine de la mienne. Elle était horrible à voir avec ses cheveux d'un blanc de craie et sa bouche édentée par le manque de vitamines. Ses bras, ses jambes, n'étaient plus que de longs os recouverts d'un épiderme grisâtre. Son corps était marbré de vastes plaies suppurantes.
    — Tu me regardes, me dit-elle un soir. J'aimerais savoir quel âge tu me donnes !
    Elle émit un rire sec à l'antipode de toute gaieté.
    Puis, voyant que je ne répondais pas, elle continua :
    — Une bonne cinquantaine d'années, pas vrai ? J'aurai vingt-quatre ans le mois prochain. Il y a vingt mois, on m'en donnait dix-huit.
    Secrétaire, à Berlin, d'un haut officier d'état-major, Käthe avait fait la connaissance, à l'intérieur même de son bureau, d'un jeune capitaine avec qui elle s'était fiancée. La date de leur mariage avait été fixée, mais il n'y avait pas eu de mariage. Quatre jours après l'arrestation de son fiancé, ils étaient venus l'arrêter elle-même. Les hommes de la Gestapo l'avaient cuisinée pendant trois mois, l'accusant d'avoir tiré copie de certains documents. Elle n'avait pas compris grand-chose à toute l'affaire, mais elle et une de ses collègues avaient écopé dix ans de travaux forcés. Son fiancé et deux autres officiers s'étaient entendus condamner à mort, un quatrième aux travaux forcés à perpétuité. Avant d'envoyer Käthe à Lengries, ils lui avaient imposé le spectacle de l'exécution de son fiancé.
    Un matin, quatre femmes, dont Käthe Ragner, reçurent l'ordre de descendre en rampant le long escalier abrupt qui reliait les cinq étages. C'était un genre d'exercice que les gardiens aimaient nous voir faire. Mains et pieds enchaînés, on ne pouvait que ramper la tête la première, et se laisser glisser.
    J'ignore si la chute de Käthe fut ou non volontaire. Elle était à bout de résistance et les deux solutions sont également plausibles. J'entendis son cri aigu, et le bruit que fit son corps, à l'atterrissage. Puis quelques secondes d'un silence de mort et la voix excitée montant finalement des profondeurs :
    — Cette salope s'est cassé le cou !
    Quelques fours après la mort de Käthe, je fus transféré, avec une poignée d'autres prisonniers, au Camp de Concentration de Fagen, près de Brème, où nous attendait — c'est du moins ce qu'on nous avait dit — un « travail spécial d'une énorme importance ».
    Savoir en quoi ce travail pouvait bien consister ne nous intéressait pas le moins du monde. Aucun d'entre nous ne pensait un seul instant qu'il pourrait être moins pénible que celui auquel nous étions habitués. Nous avions l'habitude de travailler comme bêtes de trait, attelées à des charrues, à des herses, à des rouleaux ou à des charrettes, tirant jusqu'à tomber morts. Nous avions l'habitude de travailler dans les carrières, cassant des cailloux jusqu'à tomber morts. Nous avions travaillé dans les filatures de jute, respirant cette saleté jusqu'à tomber morts d'une hémorragie pulmonaire.
    Tous les travaux avaient un point commun: on finissait, tôt ou tard, par en tomber raide !
     

Fagen

    Fagen , en fait, travaillait sur deux fronts. c 'était, à la base, un centre de médecine expérimentale, mais il y avait, aussi, les bombes.
    Les premiers jours, je fus affecté aux travaux de terrassement. Nous devions trimer comme des galériens, creusant la terre de cinq heures du matin à six heures du soir, sans autre nourriture qu'un mince brouet renfermant plus d'eau que de farine, et qu'on nous servait trois fois par jour. Puis vint l'occasion inespérée, que je m'empressai de
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