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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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l'inutilité de prendre Stalingrad, qui n'a aucune signification pour la victoire ultime de nos troupes, j'ai donné l'ordre d'une retraite temporaire ! » Les gens ont répondu par une ovation à ce discours. Mais cent quatre-vingt mille hommes n'ont pu être retirés de Stalingrad ! Même temporairement! Cent quatre-vingt mille hommes anéantis dans la bataille pour Stalingrad, la ville « sans signification »...
    — Ouais, répliquai-je. Nous, nous voyons clairement la duperie - Mais que peut faire un régiment disciplinaire contre soixante ou soixante-dix millions de perroquets gueulards qui ne voient rien, parce qu'ils ne veulent rien voir ? Plutôt mourir que de perdre la guerre, voilà ce qu'ils disent aujourd'hui, alors que la guerre est déjà perdue... Ce qu'ils pensent, c'est : « Plutôt laisser mourir tous les autres que de perdre nos précieuses existences. » J'ai entendu une femme, à Berlin, dire que même s'il ne restait qu'un seul régiment sur le front, l'Allemagne gagnerait encore, pourvu que ce régiment soit celui des SS-Leibstan-darte !
    — Les femmes sont encore pires, grogna von Barring. Le Seigneur nous préserve des femmes fanatiques ! Mais que tout aille au diable ! Hitler a perdu la guerre, c'est un fait. Mais est-ce qu'on verra, toi et moi, le jour du glorieux effondrement, ça, c'est une autre paire de manches. Ça va être notre tour, bientôt de passer à la casserole. Marrant de vivre dans l'espoir de voir tout se foutre par terre aussi vite que possible ! Buvons, Sven, c'est la seule chose qui nous reste...
    — Buvons à une prochaine rencontre avec une belle fille. Même fanatique ! Pourvu qu'elle sache s'en servir...
    — Ouais. Une fois sur le dos, c'est toutes les mêmes. Si seulement elles savaient parler de quelque chose. Mais elles n'ont jamais rien appris d'autre que de se laisser choir sur le dos et de dire amen à tout ce qu'on leur propose. Est-ce que tu as jamais rencontré une femme qui ait eu des opinions personnelles ?
    La sonnerie du téléphone de campagne nous interrompit. C'était pour m'annoncer que j'allais être envoyé à Lwow, pour y prendre livraison de quarante précieux chars d'assaut ; les derniers, peut-être, que l'armée fût capable de réunir ?
    Ce voyage à Lwow dut être remis, cependant, car les Russes choisirent ce moment pour passer à l'offensive et nous harcelèrent sans répit, durant toute la semaine suivante.
    Un jour, von Barring pénétra dans mon gourbi, en faisant sa tournée d'inspection. Il resta un instant immobile à regarder autour de lui d'un air morne.
    Puis il dit :
    — J'en ai marre et plus que marre !
    Et sortit comme un possédé.
    Je me grouillai de cavaler sur ces traces. Il avait pris des fusées de toutes les couleurs et les tirait à la queue leu leu, de telle sorte que nos artilleurs devaient être dans un drôle de cirage. Il fallut le maîtriser, l'attacher, le ramener à l'intérieur du gourbi. Il criait continuellement, d'une voix rauque, chevrotante, en regardant droit devant lui, les yeux écarquillés d'épouvante. une épouvante qu'il était seul à ressentir, mais dont nous ne pouvions que trop aisément deviner et imaginer l'étendue :
    — A votre service, majesté ! Majesté Hitler, ah, ah, ah! Oberstleutnant Von Barring, du Régiment de la Mort, présent pour le service des enfers ! L'assassin Von Barring présent au rapport, majesté ! Majesté Hitler, ah, ah, ah, ah, ah !...
    Je m'enfonçai les pouces dans les oreilles pour ne pas entendre son rire. Mais quand je vis qu'il était sur le point de provoquer une panique générale parmi les occupants du gourbi, qui l'observaient, fascinés, je fis appel à tout mon courage et l'assommai.
    Nous n'étions plus que deux, désormais. Hinka et moi. Von Barring, si jeune et si foncièrement bon, qui nous avait soutenus, jadis, contre Meier le pourceau, venait de céder à la tension, à la pression permanente.
    Quelque temps après, au cours d'un bref voyage nécessité par les besoins du service, Hinka et moi nous arrêtâmes à Giessen, afin de pousser une pointe jusqu'à l'hôpital psychiatrique de l'armée, où Von Barring avait été transféré.
    Attaché sur son lit, il souriait stupidement et ne nous reconnut pas. La salive coulait sur son menton et même pour nous, ses amis, le spectacle était répugnant.
    Cette visite nous avait tellement ébranlés que, de retour dans notre train, nous restâmes longtemps, longtemps, sans oser ouvrir la
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