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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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Après ça, je balance mes chaussettes, trois mouchoirs et une toile à laver dans la soupe et je leur dis : « Ça vous ennuie pas de me laver ça pendant que vous êtes à la lessive ? » Et là-dessus, y me l'ont flanqué tout de même, mon permis de rigoler...
    Je ne pus jamais déterminer dans quelles proportions exactes Stolpe était réellement cinglé ; mais son appréciation de l'utile et de l'agréable n'avait rien de faussé, et Barbara était immensément heureuse qu'il m'eût pris sous son aile et me ragaillardît avec ses idées loufoques, qui avaient une curieuse habitude de se terminer par le chapardage de quelque bouteille d'alcool médicinal, à l'infirmerie.
    Quand je pus sortir de mon lit, on me donna un fauteuil roulant, car j'étais encore presque paralysé, et Stolpe prit grand plaisir à me véhiculer à la ronde. C'était extrêmement pratique, surtout lorsque nous allions au théâtre ou dans quelque autre endroit où l'on est censé faire la queue ; Stolpe me poussait directement à l'intérieur de la salle, puis s'asseyait tranquillement à côté de moi ; le siège était juste assez large pour deux personnes.
    Nous passions aussi des heures hilarantes à nous faire balader par une poire quelconque dans les rues élégantes d'Eger ou de Prague, assis tous les deux côte à côte et recueillant avec le sourire les regards de compassion des jolies dames. Nous fûmes ainsi conviés, un beau soir, à une réception très smart à laquelle assistaient quelques vieux officiers de garnison allemands et slovaques. Conjointement aux belles dames du monde chic de Prague, ils furent émus presque jusqu'aux larmes par le spectacle de ce chasseur en uniforme gris-vert, avec son edelweiss au chapeau, et de cet homme des tanks à l'uniforme noir, avec son béret coquettement penché sur l'oreille, fraternellement installés dans le même fauteuil roulant. 
    Ce qu'ils étaient prêts à faire pour nous n'avait pratiquement pas de limite, et nos poches furent très vite bourrées de douceurs en tout genre que nous partageâmes, ensuite, avec les autres gars de l'hosteau. Ils nous firent même photographier pour conserver un souvenir de « la fois où le chasseur et l'homme des tanks avaient été réunis sur un fauteuil roulant ».
    Deux des charitables matrones nous surprirent malheureusement un jour alors que nous participions à une course de fauteuils roulants, Stolpe n'étant pas assis à mon côté, mais poussant le fauteuil dans une rue déserte aussi vite qu'il lui était possible de courir. Après cette fâcheuse rencontre, nous ne fûmes plus invités à aucune réception.
    Quand nous avions besoin d'argent et de distraction, Stolpe téléphonait à sa petite amie, épouse d'un SS-Standartenführer de Nuremberg.
    La première fois qu'il l'appela ainsi, en ma présence, il attira l'attention de tout le monde, à l'intérieur du bureau de poste, en braillant dans le téléphone :
    — Allô, ma vieille poule de luxe ? Comment va l'autre salopard ? Il est à la maison ? Non ? Bloqué en Russie, hein ? Bon débarras ! Ecoute, ma grande, j'ai appris une nouvelle position, alors, si ça t'intéresse, tu ferais bien de rappliquer avant que je l'essaie sur une autre pouliche ! Mais t'emballe pas trop vite ! C'est une position tout ce qu'y a de fatigante, alors, si t'as pas quelque chose de tonique à nous apporter, c'est pas la peine de te déranger. Et surtout, garde pour toi cette saloperie de porto, j'ai toujours dit que l'autre cloche s'était fait avoir ! Je veux pas revoir de porto avant que t'aies liquidé celui-là... Bon, c'est pas tout, mais je peux pas rester là à bavarder toute la journée. Je t'attends par le deux heures trente-deux. Trente-deux, comme les positions !
    Là-dessus, il laissa pendre le récepteur au bout de son fil, de telle sorte qu'il continua de rire et de protester tout seul, dans la cabine ouverte, pendant que nous nous dirigions, déjà, vers la sortie. Tout le monde riait sous cape dans le bureau de poste. Stolpe fit la queue devant un des guichets et acheta un timbre qu'il colla, en sortant, sur le front d'un flic. Le flic secoua la tête d'un air indulgent et prit ça avec le sourire.
    A ma grande surprise, la femme du Standartenführer arriva effectivement par le deux heures trente-deux, trimbalant un chargement de denrées acquises au marché noir. Ernst passa quelques heures avec elle dans une chambre d'hôtel, puis la renvoya à Nuremberg en prétendant qu'il
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