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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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Immonde Deserteur

    LE grand sapeur costaud avait été jugé la veille, et condamné à huit ans de travaux forcés. Aujourd'hui, c'était mon tour de passer au falot. Deux « chiens de garde » m'amenèrent devant le conseil de guerre, qui siégeait dans une vaste pièce où deux gigantesques portraits, l'un d'Adolf Hitler, l'autre de Frédéric le Grand, se faisaient face. Derrière le fauteuil du président pendaient, immenses, les drapeaux de l'Armée de l'Air, de l'Armée de Terre, de la Flotte et des SS. Sur le mur étaient alignés les fanions des différentes armes : la croix noire sur fond blanc pour l'infanterie ; rouge pour l'artillerie ; jaune pour la cavalerie ; rose pour les troupes blindées ; noir frangé d'argent pour le génie ; cor de chasse sur fond vert pour les chasseurs ; et ainsi de suite. La chaire du juge elle-même était tapissée du drapeau noir-blanc-rouge de la Wehrmacht.
    La Cour se composait d'un conseil légal (rôle tenu par un Major), de deux juges (un Hauptmann, un Feldwebel), et d'un accusateur (Sturmbannführer de SS).
    Un immonde déserteur n'a pas droit à l'assistance d'un avocat-défenseur.
    Lecture de l'acte d'accusation. Interrogatoire de l'accusé. Ordre d'introduire les témoins... L'homme de la Gestapo entra le premier, celui qui nous avait arrêtés, Eva et moi, alors que nous nous baignions près de l'embouchure de la Weser, et le murmure estival des vagues nonchalantes noya soudain la rumeur hideuse de la Cour. Les dunes étincelantes de sable blanc... Eva dressée dans le soleil, essuyant ses cuisses rondes... Son bonnet de bain... La chaleur sur mon dos... La chaleur, la chaleur...
    — Oui, j'ai sauté sur le bureau et ensuite par la fenêtre...
    Cinq policiers m'avaient interrogé, à l'époque. Ils vinrent également, tous les cinq, débiter leur témoignage. « Oui, je lui ai donné un faux nom... Oui, l'explication que je lui ai donnée était fausse... »
    Le plus curieux fut de revoir le Kriminalsekretär qui avait ordonné la flagellation d'Eva. Les autres avaient fait preuve de sadisme. Lui s'était montré simplement correct. On ne peut rien faire avec les gens corrects. Il y en a beaucoup trop sur terre... Je me mis à rêver tout éveillé : tout le monde avait déserté, tout le monde. Il ne restait plus que les officiers.. Et que pouvaient-ils faire ? Nous avions tous déserté. Tous. Il y avait des hordes en marche sur toutes les routes. Des soldats qui rentraient chez eux. Seuls, les officiers étaient encore sur le front, en arrière du front, avec leurs plans et leurs cartes et leurs beaux képis et leurs bottes bien cirées. Tous les autres rentraient chez eux, et ils ne m'avaient pas oublié. Dans un instant, la porte allait s'ouvrir. Ils envahiraient la salle du conseil et ne diraient rien, mais les quatre fantoches se lèveraient d'un même bond, le visage blême...
    — Introduisez le témoin suivant. Eva Schadows!
    Eva ! Toi ici ?
    Etait-ce bien Eva ?
    Oh ! oui, c'était bien Eva, tout comme j'étais Sven. Nous pouvions encore nous reconnaître à nos yeux. Tout le reste, tout ce que nous avions connu — les petits secrets vivants, les petits détails intimes que nous étions seuls à connaître, que nous avions savourés des yeux et des lèvres et des mains omniscientes — tout le reste avait disparu. Mais nos yeux subsistaient, avec leur crainte et leur promesse d'être toujours les mêmes.
    Tant de choses peuvent-elles disparaître en si peu de jours ?
    — Eva Schadows, vous connaissez cet homme, n'est-ce pas ?
    « Rictus huileux » est une locution que je déteste. Je l'ai toujours trouvée stupide, exagérée. Mais il n'en existe pas d'autre pour décrire l'expression de l'accusateur : c'était un rictus huileux.
    — Oui.
    La voix d'Eva était presque imperceptible. Quelqu'un froissa un papier, et le bruit nous fit tous tressaillir.
    — Où avez-vous fait sa connaissance ?
    — A Cologne. Pendant une alerte.
    C'étaient des choses qui arrivaient, en ce temps-là.
    — Vous a-t-il dit qu'il était un déserteur ?
    — Non.
    Mais elle ne put supporter le silence arrogant et bégaya :
    — Je ne le pense pas.
    — Réfléchissez bien à ce que vous dites, jeune femme ! Vous n'ignorez point, j'espère, qu'il est très grave de fournir un faux témoignage devant une cour de justice...
    Eva contemplait le plancher. Pas un instant elle ne m'avait regardé. Son visage était gris, comme celui d'un malade au sortir d'une
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