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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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quelqu'un s'avisait de souffler sur l'amorce... Et l'explosion d'un monument semblable détruirait à coup sûr tout le quartier environnant.
    Un camion Krupp-Diesel équipé d'un derrick s'approcha, en marche arrière, du bord de l'excavation. Quatre heures d'efforts amenèrent la bombe sur le derrick, soigneusement amarrée de telle sorte qu'elle ne pût broncher d'un poil.
    Soulagement général... Mais nous avions oublié quelque chose !
    — Qui est-ce qui sait conduire, là-dedans ?
    Silence. Quand un serpent venimeux vous grimpe le long de la jambe, on doit, dit-on, se transformer en pilier de pierre, en chose morte indigne de retenir l'attention d'un serpent. En une seconde, il ne resta plus, sur le terrain, que des piliers de pierre, mentalement retranchés dans l'ombre la plus épaisse, tandis que le regard du SS bondissait, scrutateur, de visage en visage. Nul d'entre nous ne le regardait, mais nous étions tous si douloureusement conscients de sa présence que les cœurs se meurtrissaient cruellement aux barreaux des cages thoraciques et que nous sautions en rêve par-dessus les cratères, fuyant éperdument au milieu des décombres.
    — Toi, là-bas ! Tu sais conduire ?
    Je n'osai pas dire non.
    — Alors, en route !
    Des drapeaux jalonnaient l'itinéraire à suivre. La chaussée, Dieu merci, avait été déblayée et réparée, de manière à présenter une surface sensiblement nivelée. Tout cela pour les foutues baraques ! Pas une âme en vue dans le secteur. Les autres véhicules me suivaient à bonne distance. Personne n'avait envie d'escorter le danger. Je passai devant une maison incendiée, flambant allègrement dans le silence. La fumée me piqua les yeux, m'aveugla, mais je n'osai forcer ma vitesse. Après cinq minutes de franche agonie, je pus, de nouveau, respirer de l'air frais.
    Quelles furent mes pensées durant cette course de lenteur, je l'ignore. Je sais seulement que j'avais devant moi tout le temps du monde pour réfléchir, et que j'étais calme, intérieurement excité, peut-être, et, pour la première fois depuis bien longtemps, vaguement heureux. Quand chaque seconde qui passe risque d'être la dernière, on a le temps de penser, je vous le jure. Et pour la première fois, aussi, depuis des siècles, j'avais conscience d'être à nouveau quelqu'un. Je m'étais perdu de vue, j'avais cessé d'avoir sur moi-même la moindre opinion, ma personnalité avait été comprimée, écrasée de toutes les manières, et malgré cela, elle avait survécu, elle ressortait intacte des humiliations, des dégradations quotidiennes. Salut, toi ! Tu existes toujours, après tout. Et tu es toujours toi-même. Regarde-toi  en train de faire une chose que les autres n'osent pas faire. Tu peux donc faire encore quelque chose. Quelque chose d'indispensable. Attention à ces rails de tramway !
    Je sortis de la ville, traversai les derniers lotissements plantés de cabanes en tôle ondulée, où seuls vivaient des clochards, des trimardeurs, des loqueteux. Seuls... Du moins autrefois. Car c'était la guerre, à présent, et chaque nuit, la ville se constellait de plus nombreux cratères.
    Quelque part, un homme bêchait un champ. Il s'appuya sur le manche de sa bêche pour me regarder passer.
    Je l'appelai :
    — Eh !... Tu cours pas te mettre à l'abri ?
    Le vacarme du moteur couvrit sa réponse, mais il resta où il était. Peut-être m'avait-il crié «Bon voyage» ? Drôle de truc que de rouler aussi lentement sur des routes désertes !
    En ville, ils devaient commencer à réintégrer leurs appartements, leurs boutiques. Les plus courageux, d'abord. Puis les autres, ravis et soulagés. Regardez ça, tout est encore debout !
    Peut-être aurais-je pu m'échapper ? Les occasions ne m'avaient pas manqué, au hasard des rues vides. J'aurais pu sauter du camion et courir me planquer tandis que la bombe aurait continué son chemin, sans conducteur, jusqu'au premier heurt sérieux précédant le grand boum. Pourquoi n'ai-je pas saisi cette chance, je n'en sais rien. Je crois que je n'avais jamais aussi profondément goûté la joie de vivre. Nous étions seuls, ma chère petite torpille aérienne et moi-même, et tant qu'elle serait avec moi, personne ne pourrait m'approcher sans sa permission...
    Je n'émergeai de ma transe qu'une fois en rase campagne, au milieu de la lande, sur une route jalonnée de drapeaux de plus en plus rares. Là, mon instinct de conservation reprit le dessus. Jusqu'où
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