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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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motif de vous plaindre des conditions d'existence à l'intérieur de ce camp durant le séjour que vous y avez fait.
    Je signai. Quelle importance ? Allais-je être transféré dans un autre camp ? Ou bien était-ce mon tour de me balancer au bout d'une corde ?
    Il poussa vers moi un second document, plutôt formidable d'aspect.
    — Et vous allez signer ici que vous avez toujours été sévèrement, mais bien traité, conformément aux stipulations du droit international.
    Je signai. Quelle importance ?
    — Si jamais vous prononcez une seule syllabe sur ce que vous avez vu et entendu ici, je serai prompt à vous récupérer, et je préparerai personnellement votre cérémonie de bienvenue, compris ?
    — J'ai compris, Herr Sturmbannführer.
    Il s'agissait donc bien d'un transfert.
    On me conduisit dans une cellule où m'attendait un uniforme vert, sans insignes d'aucune sorte, qu'on m'ordonna de revêtir.
    — Et nettoie tes ongles, pourceau !
    Un SS m'introduisit ensuite dans le bureau du commandant, où je touchai 21 pfennigs pour mes sept derniers mois de travail, de six heures du matin à huit heures du soir. Un Stabscharführer hurla :
    — Prisonnier 552318 A... En instance d'élargissement... Rompez !
    Ça aussi, c'était une forme de torture. Mais je connaissais l'astuce et j'étais très fier de ne pas m'y laisser prendre. J'exécutai un demi-tour et sortis, attendant leurs éclats de rire. Mais non, ils étaient encore plus subtils que je ne l'avais soupçonné. Ils contenaient leur fou rire.
    — Asseyez-vous dans le corridor jusqu'à ce qu'on vienne vous chercher !
    Non. Ils ne riaient pas. Et malgré moi, je commençais à espérer. Je dus attendre plus d'une heure, tandis que mes nerfs s'écorchaient vifs de minute en minute. Comment des gens, des êtres apparemment humains, pouvaient-ils aller aussi loin dans la perversion raffinée, dans le sadisme ? Et je me répétais : « Tu sais pourtant bien qu'ils peuvent aller encore beaucoup plus loin. Je te croyais à jamais purgé de ce genre d'illusion puérile... »
    Même aujourd'hui, je revis intensément, lorsque j'y pense, cette stupéfaction béante qui s'abattit sur moi quand je suivis le Feldwebel dans la petite Opel grise, après que l'on m'eut appris que j'avais été gracié, et que j'allais servir désormais dans un bataillon disciplinaire.
    Le lourd portail claqua derrière nous. Les grandes bâtisses de béton aux minuscules fenêtres rayées de barreaux s'évanouirent en même temps que s'éloignaient l'horreur, l'épouvante sans nom...
    Je n'arrivais pas à comprendre. J'étais médusé ; mieux: consterné ! La voiture traversait la cour de la caserne de Hanovre que je n'étais pas encore totalement remis de la secousse.
    Maintenant, après toutes ces années, je ne me rappelle l'horreur, l'épouvante sans nom, que sous l'aspect de choses révolues, passées, une fois pour toutes.
    Mais pourquoi, pourquoi cette consternation en les regardant s'estomper derrière moi ? C'est une question dont je n'ai jamais découvert la réponse.
    Vingt fois par jour, à grand renfort d'imprécations et de blasphèmes, on nous répétait que nous servions dans un bataillon disciplinaire, ce qui signifiait que nous devions être les meilleurs soldats du monde.
    Durant les six premières semaines, nous fîmes l'exercice de six heures du matin à sept heures et demie du soir. Exercice, exercice, toujours exercice.

Cent trente-cinq cadavres ambulants

    Exercice jusqu'à ce que le sang nous sorte des ongles... Et pas au sens figuré !
    Pas de l'oie avec tout le barda sur le dos : casque d'acier, paquetage, poches à munitions remplies de sable et capote d'hiver, tandis que, partout ailleurs, les gens suaient à grosses gouttes dans leurs vêtements d'été.
    Marche forcée dans des terrains boueux où l'on s'enfonçait jusqu'à mi-mollet... Maniement d'arme, bras en l'air, visage impassible, avec de l'eau jusqu'au cou.
    Nos sous-offs formaient une meute de démons hurleurs, qui braillaient et nous engueulaient jusqu'à nous conduire à deux doigts de la folie. On pouvait compter sur eux pour ne pas louper une seule occasion.
    On ne pouvait nous punir en nous consignant dans nos quartiers pour la bonne raison que nous ne disposions jamais du moindre instant de liberté. C'était toujours service, service, service. Nous avions, il est vrai, une heure pour dîner, et notre temps nous appartenait, en théorie, de sept heures et demie à neuf heures du soir.
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